Par Paul Poivert
Qui n’a pas rêvé d’aller explorer une épave ou un tombant qui se cache à des profondeurs déraisonnables ? Comment sont préparés les exploits des plongeurs profonds, qu’ils soient recordmen d’apnée “no limit”, plongeurs souterrains ou explorateurs d’épaves ? www.Plongée-Infos.com vous livre tous les secrets d’une bonne préparation à la plongée profonde, qu’elle soit simplement sportive ou carrément extrême. Mais soulignons-le, un article ne remplacera jamais la formation “sur le terrain” délivrée par un moniteur. N’hésitez pas à nous livrer vos remarques !
Le sujet de cet article porte sur la préparation d’une plongée profonde en circuit ouvert, c’est-à-dire avec nos bonnes vieilles bouteilles de plongée « classiques ». La procédure lors de l’utilisation d’un recycleur est peu différente, mais suppose des adaptations liées à la gestion des gaz effectuée par l’appareil lui-même et son système de contrôle informatisé, ainsi qu’aux procédures de sécurité. Le sujet des recycleurs sera traité dans un article spécifique.
Acceptation des risques
La plongée profonde, pratiquée au-delà de la zone des 40 mètres, sort du cadre de la plongée de loisir pour entrer dans celui de la plongée sportive. Cette pratique nécessite une bonne condition physique, un entraînement régulier à la technique et à la profondeur et une expérience sûre. Ces qualités sortent largement du cadre des compétences du plongeur de loisir, quant à lui plus motivé par la découverte du milieu sans prise de risque.
La plongée profonde dans la zone des 40 à 60 mètres peut être pratiquée à l’air, par des plongeurs progressivement accoutumés à cette zone de profondeur. Dans la zone des 50 à 80 mètres, on peut mettre en œuvre une technique de plongée au trimix normoxique, dit aussi « trimix light ». Cette technique, plus contraignante que la plongée à l’air, reste à la portée du plongeur sportif, pour peu qu’il ait suivi une formation adaptée et un entraînement régulier. De plus, ce type de plongée reste relativement peu onéreux.
La plongée très profonde, où le plongeur va évoluer dans la zone très lointaine, à partir de 70 / 80 mètres et au-delà des 100 mètres, entre dans une nouvelle catégorie : la plongée extrême. Là, l’investissement est beaucoup plus important, tant en matériel qu’en compétence. La mise en œuvre de mélanges multiples, le transport de plusieurs bouteilles à des profondeurs importantes n’est pas anodin. La technique à mettre en œuvre doit être sans faille, car la moindre erreur ne pardonne pas. Un entraînement précis et rigoureux est nécessaire. Une plongée trimix est une opération sérieuse. Traitez celle-ci le plus sérieusement du monde, sinon ne faites pas ce genre de plongée. Les temps d’immersion réalisés et les profondeurs vous placent dans des situations dangereuses et extrêmes. Chaque partie de votre équipement doit être étudiée, chaque geste doit être sûr. Il n’y a pas de place pour l’erreur. Chaque problème, qui pourrait être anodin en plongée de loisir, peut avoir des conséquences fatales en plongée profonde. N’oubliez jamais que toute plongée implique une prise de risque. Ce risque augmente avec la profondeur et le temps, il augmente aussi en plongée sous plafond.
Les facteurs de risques sont variables suivant les personnes : Expérience, facteurs émotionnels récents, forme physique, buts du plongeur, niveau de tolérance, équilibre entre le plaisir et les risques d’accidents, capacité intellectuelle…
Tout ce qui est dit ici ne l’est pas pour vous faire peur, mais bien pour faire prendre conscience de l’importance de chaque élément, de chaque étape de la préparation et du déroulement d’une opération de plongée très profonde. Il n’est pire danger que d’ignorer le risque. Le fait d’accepter le risque, pour peu que l’on soit un individu normal et pas suicidaire, implique de chercher le moyen d’éviter ce risque. Pour cela, on va utiliser un matériel adapté à la plongée projetée, on va le configurer dans l’optique de faciliter sa manipulation et son utilisation dans les circonstances les plus défavorables, on va ensuite planifier précisément tous les paramètres de la plongée, la nature des gaz emportés, leur consommation, les données temps / profondeur, la décompression, etc.
Tout cela dans un but unique : prévenir le moindre problème qui serait susceptible de dégénérer et entraîner une catastrophe. Une plongée extrême, c’est comme le lancement d’une fusée : tout est minuté et tout doit se passer selon le plan prévu : « Plan the dive, dive the plan ! »
Quelle plongée ?
La première question que vous allez devoir vous poser est : quel type de plongée allez-vous mettre en œuvre ? Cela va être en fonction de la profondeur et des conditions générales qui règnent sur le site. On ne préparera pas de la même façon une plongée à l’air à 50 mètres dans une zone calme qu’une plongée au trimix à 90 mètres dans une zone exposée aux courants…
Premier point : Etes-vous suffisamment expérimenté et entraîné pour la profondeur à atteindre? Il est évident que si vous n’avez jamais dépassé 40 mètres et que vous plongez peu, il n’est pas envisageable d’organiser une plongée à 90 mètres. Par contre, si vous avez, dans les semaines et les mois précédents, plongé de multiples fois à des profondeurs progressives, allant de 40 à 80 mètres, alors vous pouvez considérer que l’immersion à 90 mètres relève du possible.
Deuxième point : à la profondeur projetée, quel gaz allez-vous respirer ? De l’air jusqu’à 60 mètres, du trimix au-delà ? Et à 90 mètres, quel trimix utiliserez-vous ? Lors de la remontée, allez-vous utiliser des mélanges intermédiaires et des mélanges de décompression?
Quelles seront alors les teneurs des différents gaz que vous utiliserez ? Tout cela doit être déterminé dès le début de la préparation. Pour cela, on va choisir les teneurs des gaz en fonction de leurs limites de toxicité.
A aucun moment, le plongeur ne doit être amené à respirer un mélange présentant des risques toxiques. On connaît les limites de toxicité de chacun des gaz utilisés. On peut donc calculer les différents mélanges en fonction des fourchettes de profondeurs dans lesquelles ils sont respirables.
Mais cela n’est pas fini : une fois déterminées les teneurs en gaz des différents mélanges que vous allez emporter, compte tenu des limites de toxicité de chacun des gaz, il va falloir déterminer la quantité de chacun des mélanges à emporter. En plongée profonde au trimix, on n’a pas le droit de tomber en panne de gaz, car il est impossible de remonter directement à la surface. Comme en plongée souterraine, il existe un plafond infranchissable au-dessus de nos têtes. Ce plafond, s’il est physique en spéléo, est virtuel en plongée au trimix, mais il reste quand même infranchissable sous peine d’accident, souvent mortel, sinon extrêmement grave. Ce plafond, c’est la décompression. Les gaz utilisés, leur rapidité de diffusion et les degrés de saturation atteints en plongée profonde forment autant de barrières à la remontée directe. Là, les paliers de décompressions deviennent impératifs. Le calcul de la quantité de gaz à emporter avec soi est donc très important. Il varie en fonction de la consommation personnelle de chaque plongeur. La première tâche de l’apprenti plongeur profond sera donc de déterminer sa consommation propre, aux différentes profondeurs, avec ou sans effort, et aussi à la remontée. Il faudra ensuite ajouter une certaine marge de sécurité (la consommation peut varier au cours de la plongée en fonction de multiples facteurs : stress, courant imprévu,… Il est donc nécessaire de prévoir une quantité de gaz supplémentaire. La méthode des tiers, empruntée aux spéléos, est la plus utilisée : un tiers pour la descente et le fond, un tiers pour la remontée, un tiers pour la sécurité.
Quand vous aurez déterminé précisément les étapes énumérées ci-dessus, vous ne serez pas encore prêt à vous mettre à l’eau. Il faut encore calculer la décompression. Pas question d’improviser au fond en fonction des indications de l’ordinateur de plongée, ce qui laisse trop de place à l’imprévu. En fonction de la profondeur et du temps de séjour au fond, mais aussi des mélanges respirés lors de la phase profonde et lors de la remontée et des paliers, une procédure sera choisie et vous devrez absolument vous y tenir. Des procédures de secours seront néanmoins calculées pour des d’éventuels légers dépassement (en profondeur et en temps) ou en cas de perte de l’un des mélanges.
Tout ce travail de planification peut vous paraître fastidieux, mais il est primordial pour la réussite de la plongée.
Dernière préparation avant la configuration du matériel : l’élaboration du Run Time.
Phase incontournable, le Run Time consiste à prévoir le déroulement de la plongée minute par minute, l’instant zéro étant le départ. Il suit le déroulement normal du temps de plongée, tel que vous allez le vivre lors de votre immersion.
Vous devrez le suivre scrupuleusement du départ au retour sur le bateau. Vous serez alors en mesure, à n’importe quel moment, de savoir où vous en êtes de votre procédure et vous saurez instantanément si vous êtes dans les temps, ou bien en avance ou encore en retard, auquel cas il vous faudra réagir vite ou passer sur l’une des procédures de secours que vous avez préparées.
De toute cette préparation dépendra le bon déroulement de la plongée profonde qui pourra alors laisser des souvenirs impérissables, plutôt que de tourner au cauchemar…
Les spots pub sur le gouvernement et l’armée française sont envahissantes cela gâche terriblement votre message. Mais merci pour votre article.