Chaque jour, découvrez dans www.plongee-infos.com l’histoire d’une épave, coulée à la même date par le passé, quelque part près des côtes françaises ou ailleurs dans le monde, déjà explorée… ou pas ! Vous retrouverez ainsi quotidiennement un nouveau site, pour vous confectionner une collection passionnante pour vos futures plongées ou simplement pour explorer… l’Histoire!
C’est à un voyage exceptionnel que nous vous invitons aujourd’hui 13 février, anniversaire du naufrage du bateau d’exploration polaire russe Tcheliouskine le 13 février 1934, broyé par les glaces du détroit de Béring. Mais c’est aussi l’histoire du sauvetage le plus extraordinaire de l’Histoire, qui permit de récupérer les 111 naufragés sur la banquise au moyen de petits avions…
Le Tcheliouskine (Chelyuskin) a été construit en 1933 au Danemark par les chantiers Burmeister and Wain de Copenhague, au titre de la compagnie Far Eastern Navigation Co, de Vladivostok en Sibérie, sous le nom de Lena, avant de passer dans les mains du gouvernement sovietique comme bateau d’expédition polaire et de prendre le nom de Tcheliouskine, du nom de l’explorateur polaire Russe Simeon Ivanovitch Tcheliouskine (1700-1764). Long de 95 mètres et large de 17 mètres pour un tirant d’eau de 7 mètres, il était motorisé d’une machine à vapeur à deux cylindres Compound de 2400 cv et sa seule hélice le propulsait à 12,5 nœuds.
En août 1933, le tcheliouskine, commandé par le capitaine Vladimir Voronin, reçut pour mission d’ouvrir la route maritime du nord, en longeant le littoral de la Sibérie jusqu’au détroit de Béring pour rejoindre l’océan Pacifique en une seule étape, avant la fermeture du détroit par les glaces, pour ne pas avoir à hiverner sur la banquise. La mission d’exploration était dirigée par le professeur Otto Yulevitch Schmidt. Parti de Mourmansk le 2 aout 1933, le navire s’est révélé moins résistant que prévu. Dès le 13 Aout 1933 alors qu’il pénétrait dans la mer de Kara, des problèmes avaient commencé à apparaître dans sa structure.
En septembre 1933, le Tcheliouskine s’est retrouvé coincé dans la banquise dans la mer des Tchouktches près de l’île Kolyuchin, tout près de son but, à l’entrée du détroit de Béring. L’équipage a réussi à libérer le navire, mais il est resté coincé et a dérivé vers le détroit de Béring pendant deux mois. À la fin de novembre, il devint évident que le Tcheliouskine devait hiverner sur la mer des Tchouktches.
Cependant, le navire risquait de couler. Le capitaine Voronin a ordonné à l’équipage de décharger l’équipement du navire et d’installer un campement, mais des fissures dans la glace se formaient sous les tentes, du fait des mouvements de la banquise et ont forcé l’équipage à revenir sur le navire. Le Tcheliouskine a dérivé pendant les deux mois suivants dans la mer de Tchoukotka à l’est de l’île de Wrangel.
Finalement, l’augmentation de la pression des glaces a provoqué des ruptures dans la coque du navire. Le 13 février 1934, le Tcheliouskine, dont la coque était fortement détériorée, a fini par couler près de l’île de Kolyuchin. Tout le personnel de l’expédition a pu décharger sur la banquise le matériel nécessaire à sa survie, espérant une hypothétique arrivée des secours. Un seul membre d’équipage a été perdu avec le navire. L’équipage a ensuite installé des tentes, a établi un contact radio avec le continent et a demandé de l’aide.
Dès que la catastrophe du Tcheliouskine fut connue, le gouvernement soviétique nomma une commission spéciale qui tenait les Soviétiques au courant de ses travaux et supervisée par Josef Staline lui-même. Comme à l’époque il n’existait pas de brise-glaces capables d’évoluer comme aujourd’hui dans des glaces de près de 2 mètres d’épaisseur, la mission de sauvetage fut confiée à l’aviation et en particulier à des volontaires de l’élite de la Force Aérienne Soviétique, les “Pilotes arctiques”. Les medias occidentaux doutaient de la capacité des Soviétiques à pouvoir sauver l’équipage du Tcheliouskine et considéraient que les liaisons radios avec les naufragés, étaient une “ultime torture pour des condamnés à mort”. Il faut dire que pas plus que les bateaux, il n’existait alors aucun avion capable de se poser sur la banquise polaire et assez grand pour transporter autant de passagers. Le sauvetage devait donc être réalisé par de petits avions, ce qui impliquait de faire de nombreux allers-retours.
Au gré des tentatives avortées, les naufragés durent reconstruire 13 fois la piste d’atterrissage pour les avions de sauvetage qu’ils avaient préparée, en raison des mouvements de la banquise qui soulevaient les blocs de glace et formaient des crevasses.
C’est le 5 mars, trois semaines après le naufrage du Tcheliouskine, que le miracle s’est produit. Les hommes et les femmes piégés dans le silence de l’Arctique ont soudainement entendu un son étrange du ciel. En sortant de leurs cabanes primitives, ils virent un avion circulant au-dessus de la tête. L’aviateur cherchait un endroit plat où il pouvait atterrir sans démolir sa machine.
Finalement, le pilote Anatoly Liapidevsky a réussi à poser son avion Tupolev ANT-4 sur la glace et a pu embarquer 10 femmes et 2 enfants, selon les ordres du professeur Schmidt, avant de retourner à Uelen, sur la côte sibérienne. Ce vol ne fut par une partie de plaisir, car il faut savoir que l’avion ne disposait que de 6 places et qu’il n’y avait pas de cockpit fermé. Il fallut donc emmitoufler les passagers pour qu’ils puissent supporter le froid.
Les passagers et l’équipage restants du Tcheliouskine ont été sauvés plus tard lors des rotations effectuées par 7 pilotes d’exception, qui ont réussi à poser leurs avions dans des conditions dépassant de loin leurs capacités théoriques. En raison de conditions météorologiques difficiles, le sauvetage a pris un mois, mais tous les rescapés ont été ramenés sur le continent sains et saufs ; le dernier à partir fut le professeur Schmidt. Les pilotes ont rivalisé de bravoure et d’ingéniosité pour mener leur mission à bien. Ainsi, Vasili Molokov, qui en 9 voyages a sauvé 39 personnes avec son avion biplan Polikarpov R-5. L’appareil était prévu pour 2 personnes, il arrivait à en mettre 3 ou 4 et il embarquait en plus des hommes dans des containers fixés sous les ailes inférieures de son avion… Citons encore les pilotes Sliepnov, Kamanin, Vodopianov, Doronine, Levanevsky, tous furent décorés de l’ordre de Lénine et reçurent le titre de Héros de l’union Soviétique, distinction suprême de l’époque, de même que deux mécaniciens américains qui avaient participé aux opérations, Clyde Armistead et William Latimer Lavery.
A leur retour sur la terre ferme et dans le “monde civilisé”, les sauveteurs et les naufragés furent l’objet d’un véritable culte en URSS. Les opérations de sauvetage avaient été retransmises pratiquement en direct par les radios Soviétiques et diffusées par haut-parleurs dans les squares, les bureaux et les usines.
Leur déplacement à travers l’URSS donna lieu aux premières “ticket-parades” soviétiques, semblables à celles en honneur des cosmonautes Etasuniens au cours des années 60 ou 70, où les héros défilèrent sous une pluie de « tickets » de papier.
Pendant 30 ans les russes recherchèrent l’épave du Tchéliouskine et ce n’est qu’en 2006 qu’une expédition russe ramena des débris retrouvés par une profondeur de 50 m au fond de la mer des Tchouktches, à la latitude 68° 16’ N et la longitude 172°51’ W. Ces débris furent identifiés par les Danois comme étant ceux du navire perdu. Les experts ont confirmé que la grille de rembarde de sécurité avant et la bouche de ventilation remontées par les participants russes de l’expédition en 2006, sont en fait des fragments du légendaire Tcheliouskine. On a alors suggéré que le navire soit renfloué et converti en musée. Mais, selon les caprices de l’océan Arctique, rien n’est moins sûr…
Un grand dossier actuellement en préparation sur l’odyssée du Tcheliouskine sera bientôt mis à disposition dans les téléchargements gratuits du site Plongée Infos.
Lien vers vidéo sur l’odyssée du Tcheliouskine :