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Comme celle des hommes, la destinée des navires est parfois chargée de contradictions. L’Au-Revoir, qui était avant la Première Guerre mondiale, en service pour une compagnie allemande, a finalement sombré sous les torpilles de ses anciens maîtres.
L’Au Revoir était un bateau de 1 058 tonnes, de 86 mètres de long sur 10 mètres de large et d’un tirant d’eau de 7 mètres, propulsé à la vitesse de 19 nœuds par une machine à vapeur de 3 cylindres à triple expansion et des roues à aubes. Il a été construit en 1896 en Angleterre aux chantiers Denny W & Bros, à Dumbarton, pour une compagnie anglaise, la South Eastern & Chatham Railway Co de Londres. Son nom d’origine était le Calais et il était destiné au service Calais-Douvres, qu’il effectua régulièrement jusqu’en 1912. C’est à partir de là que son histoire se complique…
En 1912, il fut acheté par un prête-nom français de la compagnie Hamburg-Amerika Linie, M. Hattemer, pour être affecté à Boulogne pour le service de transbordement des voyageurs transatlantiques de cette compagnie, sous le nom d’Au Revoir. Pourquoi un prête-nom ?
Avant la guerre, les paquebots de la Compagnie allemande Hamburg-Amerika Linie, assurant le service d’Hambourg à New-York, faisaient escale à Boulogne et Cherbourg. Leur tonnage, leur tirant d’eau et la nécessité de ne pas perdre de temps les empêchaient d’entrer dans ces ports, et ils mouillaient en rade foraine. Pour le transport des marchandises légères, des passagers et de leurs bagages, de la terre au paquebot et vice versa, il fallait donc que la Compagnie utilise des vapeurs transbordeurs. Elle en acquit trois, dénommés Bon Voyage, Au Revoir et Ariadne. Mais la navigation pratiquée par ces petits bâtiments était une navigation au cabotage, puisqu’elle s’exerçait en vue des côtes, et, par conséquent, bien largement en deçà des limites déterminées pour les voyages de long cours par la législation maritime. Or, selon cette législation, la navigation au cabotage français était strictement réservée au pavillon français. La Compagnie Hamburg-Amerika Linie tourna la difficulté. Elle obtint de son agent général à Paris, M. Hattemer, de nationalité française, qu’il se fasse passer pour le propriétaire des trois bâtiments. Et, afin d’assurer le stratagème, celui-ci, en la fausse qualité de propriétaire, contracta auprès d’un autre agent de la Hamburg-Amerika Linie, des emprunts hypothéqués sur le corps des navires, au profit de la compagnie qui pouvait ainsi garder le contrôle des opérations. Devenu l’Au Revoir, notre vapeur portait un équipage français mais était commandé en réalité par la compagnie allemande.
Désarmé au commencement de la guerre, l’Au Revoir fut réquisitionné le 20 août 1914 par la Marine Nationale française pour servir de bâtiment central aux sous-marins de la 2ème escadrille. Les papiers trouvés à bord à cette occasion, montrèrent de toute évidence que le vrai propriétaire était bien la compagnie allemande. On procéda donc à la confiscation pure et simple du navire. L’enquête démontra, par ailleurs, qu’il s’agissait bien d’une francisation frauduleuse. Le 17 mai 1915, l’annulation de la francisation était établie par la douane de Boulogne pour avoir “dissimulé sa qualité de navire allemand en arborant le pavillon français obtenu par fraude”.
L’Au Revoir a été par la suite, transformé en dragueur et armé de deux canons de 47 mm. A ce titre, le 26 février 1916, il opérait à 10 milles au nord-ouest du cap de la Hève, lorsque son commandant aperçut, à quelques centaines de mètres par bâbord, le périscope d’un sous-marin. L’Au Revoir fonça sur le submersible dont le kiosque émergeait. L’Au Revoir tira quelques coups de canon dont le dernier sembla porter car le sous-marin disparut ; les recherches restèrent vaines pour le retrouver.
Le lendemain, 27 février 1916, l’Au Revoir retournait draguer à 12 milles au nord-ouest de la Hève avec d’autant plus d’attention que sa rencontre de la veille l’incitait à penser que le sous-marin était peut-être un mouilleur de mines. A 14 h 15, il faisait route au sud. Soudain, le lieutenant de vaisseau Rivet, qui commandait l’Au Revoir, aperçut le bouillonnement du lancement d’une torpille. Il aperçut, à 150 mètres, la torpille, en surface, lancée par le sous-marin allemand UB-18 et qui fonçait inexorablement vers le navire. L’explosion se produisit contre la poupe, tuant net un matelot et en projetant deux autres à la mer. Le gouvernail ne fonctionnait plus. L’explosion avait mis la T.S.F. hors de service. Le commandant fit aussitôt tirer une vingtaine de coups de canons pour donner l’alarme puis, lorsque la T.S.F. fut réparée, lança le message : “Venons d’être torpillés”. De la côte, on dirigea aussitôt des unités vers les lieux de la catastrophe. Un torpilleur se porta à son secours. En même temps, le remorqueur de haute mer Abeille XI arrivait et lui passait des remorques pendant que le torpilleur cherchait en vain, à retrouver les deux hommes précipités à la mer. Peu après, un deuxième torpilleur arrivait aussi. Ainsi escorté, le dragueur blessé mis le cap sur la Hève, en remorque de l’Abeille XI, pour tenter d’éviter le naufrage. A bord, on essayait de contenir la voie d’eau. Le mécanicien principal signalait que les moyens de pompage étaient insuffisants mais qu’il continuait à maintenir les machines en marche. Pourtant, l’Au Revoir s’inclinait de plus en plus sur bâbord. Il s’enfonçait par l’arrière et l’avant commençait à apparaître hors de l’eau.
Le remorquage se poursuivit obstinément. A 16 h 55, toutefois, le dragueur tendait à se cabrer, sa poupe allait bientôt passer sous la surface. Il n’y avait plus d’espoir de le maintenir encore suffisamment pour l’amener en lieu sûr et s’obstiner davantage risquait de mettre en danger son remorqueur qui pourrait être entraîné avec lui. On largua les remorques. Le commandant donna l’ordre d’évacuer. L’Abeille XI, commandée par l’enseigne de vaisseau auxiliaire Breuille, manœuvra à accoster et, sans précipitation, l’équipage quitta le bord, le commandant Rivet en dernier. On était alors à 2 500 mètres dans le nord du phare de la Hève. A 17 h 25, brusquement, l’Au-Revoir se cabra quasiment à la verticale et sombra. La zone étant peu profonde, ses mâts et sa cheminée restèrent visibles à marée basse.
Par la suite, l’épave fut visitée par des scaphandriers. Les deux canons de 47 mm, les antennes T.S.F., divers appareils purent être récupérés. On envisagea un temps de faire renflouer le bateau grâce aux compartiments étanches du milieu et de l’avant qui n’avaient pas été endommagés. Il fallait toutefois boucher auparavant les orifices consécutifs au torpillage sur la poupe. On chargea une entreprise privée de ce travail, mais une nouvelle visite des scaphandriers révéla que la coque était irréparable. Par ailleurs, le navire était trop grand pour être transporté par le dock de Cherbourg vers des hauts fonds. On l’abandonna donc à son sort. En décembre 1917, l’épave de l’Au-Revoir n’émergeait plus du tout.
Aujourd’hui, l’épave de l’Au Revoir dort toujours sous 13 mètres d’eau, par 49° 32’ 547 N de latitude et 00° 03’ 973 E de longitude, à 800 mètres de la côte, en face de l’aéroport du Havre – Octeville avec le phare du cap de la Hève dans le 176, à 1,8 nautique. Vu la faible profondeur, la bateau a subi les aléas de la mer et l’épave est en partie disloquée, mais on retrouve sa forme et différents éléments comme sa machinerie et ses roues à aubes, ainsi que le fond de la coque et les membrures. Un site chargé d’histoire et d’émotion comme tous les navires engloutis…