Chaque jour, découvrez dans www.plongee-infos.com l’histoire d’une épave, coulée à la même date par le passé, quelque part près des côtes françaises ou ailleurs dans le monde, déjà explorée… ou pas ! Vous retrouverez ainsi quotidiennement un nouveau site, pour vous confectionner une collection passionnante pour vos futures plongées ou simplement pour explorer… l’Histoire!
Le HMS D-3 était un sous-marin de classe D de la Royal Navy, construit en 1910 par les chantiers Vickers de Barrows in Furness. D’une longueur de 51 mètres et d’une largeur de 6,3 mètres pour 3,5 mètres de tirant d’eau, il accusait un déplacement de 503 tonnes en surface et 630 tonnes en immersion. Il était manœuvré par un équipage de 29 marins. En surface, le D-3 était propulsé à 14 nœuds par deux moteurs diesel de 600 cv entraînant chacun un arbre d’hélice. En immersion, chaque hélice était entraînée par un moteur électrique de 275 cv, pour une vitesse de 9 nœuds. En surface, il avait une portée de 2 500 milles nautiques (4 600 km) à 10 nœuds. Le submersible était armé de trois tubes lance-torpilles de 18 pouces, deux à l’avant et un à l’arrière. Il avait une recharge pour chaque tube, un total de six torpilles. Il était en outre équipé d’un canon de pont de 76 mm.
La Première Guerre mondiale a marqué l’émergence de nouvelles armes, qui ont marqué l’entrée dans la guerre moderne qui au-delà des affrontements de fantassins, a vu le champ de bataille s’étendre au domaine aérien et sous-marin.
Le sous-marin anglais HMS D-3 opérait dans les eaux du nord pendant la plus grande partie de la guerre, contre la marine impériale allemande. Avec d’autres sous-marins de classe D et E, le D-3 a combattu dans la bataille d’Heligond Bight le 28 août 1914. Son premier combat n’a pas été très glorieux quand il a tiré sur un autre sous-marin anglais, le HMS E-48, croyant qu’il était un navire allemand. Heureusement, les torpilles ont manqué leur cible mais l’incident a quand même eu des échos.
Le 7 mars 1918, le HMS D-3 partit pour une patrouille dans la Manche, sous le commandement du lieutenant canadien William McKinstry Heriot-Maitland-Dougall. La fin du conflit approchant, la situation en mer et sur terre avait déjà basculé à l’avantage des Alliés. Les sous-marins de la marine impériale allemande continuaient pourtant le combat, essayant encore de modifier le cours de la guerre. Trois croiseurs venaient d’être coulés par un seul sous-marin et il y a eu l’événement qui a projeté les Etats-Unis dans la guerre : le torpillage du paquebot Lusitania l’un des symboles de ce conflit. Les sous-marins allemands sont donc devenus des cibles prioritaires pour les forces anti-sous-marines des Alliés.
Après avoir été escorté dans la zone de patrouille par un destroyer britannique afin de permettre au sous-marin de traverser les défenses britanniques sans être pris pour un bâtiment allemand, le D-3 partit en chasse dans la Manche.
Le 12 mars 1918, à peine deux jours après avoir été relevé de ses fonctions par un autre sous-marin, alors qu’il se trouvait au large de Dieppe, le HMS D-3 aperçut un objet au-dessus de l’horizon au sud-ouest de sa position peu après 14 h. Ils l’identifièrent rapidement comme un dirigeable et raisonnèrent qu’il devait s’agir d’un aéronef allié étant donné qu’à ce stade de la guerre, les dirigeables allemands s’aventuraient rarement au-delà du front. Il s’agissait en effet du dirigeable français AT-0, commandé par le Lieutenant Saint-Remy. L’officier de quart a vu le dirigeable se tourner vers eux et, ayant identifié les cocardes françaises sur ses flancs, il a ordonné que des fusées de reconnaissance soient tirées pour signaler qu’ils étaient un sous-marin ami.
Les fusées brillantes montaient dans le ciel et le vent les poussait dans la direction du dirigeable qui arrivait droit devant le sous-marin. Mais l’équipage du dirigeable ne comprit pas les intentions pacifiques du submersible et prit les fusées de signalisation pour des projectiles, concluant à une attaque. L’alerte fut alors déclenchée dans l’aéronef qui riposta immédiatement par des rafales de mitrailleuse.
En quelques secondes, l’enfer s’est déchaîné sur le pont du sous-marin alors que les balles ratissaient la coque. Sachant que le dirigeable avait des bombes à bord, le lieutenant du D-3 donna l’ordre de plonger. L’équipage tenta désespérément de rentrer à l’intérieur du sous-marin, le dirigeable se rapprochant et sa mitrailleuse arrosant encore le pont. Alors que le sous-marin disparaissait sous les vagues, le dirigeable était presque à sa verticale et largua deux bombes légères qui tombèrent à environ 20 mètres du sous-marin.
Le dirigeable a alors mené une deuxième attaque et a laissé tomber quatre bombes autour de la dernière position du D-3. Les bombes ont explosé, envoyant d’immenses panaches d’embruns dans l’air avant que soudainement le sous-marin ne n’apparaisse à nouveau à la surface, lourdement endommagé par l’attaque française. A peine en surface, le panneau s’ouvrit et l’équipage essaya d’abandonner le D-3 qui commençait à sombrer rapidement. Seulement quatre membres d’équipage ont pu sauter à l’eau avant que le sous-marin ne disparaisse une dernière fois sous la surface, dans de violents remous et des panaches de bulles.
Le dirigeable français a alors coupé ses moteurs pour descendre à une vingtaine de mètres au-dessus de la surface. Sans le bruit des moteurs, les hommes du dirigeable ont alors entendu les naufragés qui les appelaient en anglais “you have got us”. C’est seulement à ce moment que les Français ont réalisé leur dramatique erreur. Ils ont essayé d’organiser le sauvetage de leurs quatre malheureux alliés, en vain. Impossible de porter assistance depuis le dirigeable qui ne pouvait pas approcher plus de la surface sans risque. Le dirigeable lança alors des appels à la TSF pour faire venir sur les lieux des bateaux d’assistance, mais au moment où le premier navire atteignait la zone, les survivants avaient déjà rejoint leurs camarades dans les profondeurs avec le HMS D-3. Il n’y eut aucun survivant.
Une enquête fut menée et le commandant du dirigeable français AT-0, le Lieutenant Saint-Remy, a été initialement blâmé par les Britanniques pour la perte. Cependant, l’enquête a révélé qu’il y avait un certain degré de responsabilité des deux côtés. L’attention a été attirée sur les fusées-signaux tirées par le D-3 que Saint-Remy a pris pour une attaque. Il semble que les fusées n’ont pas été reconnues comme une identification car les dirigeables étant remplis d’hydrogène, des fusées étaient souvent employées par les ennemis pour les abattre en essayant de les incendier. Les fusées-signaux étaient pourtant une pratique courante pour la Royal Navy, mais la marine française utilisait une autre technique, consistant à utiliser des marqueurs fumigènes à l’arrière de ses navires pour les identifier aux avions alliés. Les Français ont fait valoir que si l’équipage britannique avait fait cela au lieu de tirer des fusées, l’attaque n’aurait jamais eu lieu. Il est quand même très regrettable que les deux parties pourtant alliées et amenées à coopérer, n’étaient pas au courant des méthodes d’identification de leurs homologues. Finalement, le Lieutenant Saint-Remy et son équipage furent relaxés. 29 hommes sont morts dans le naufrage du HMS D-3 à cause de ce qu’on appellerait aujourd’hui un « tir ami», avant d’être littéralement oubliés de l’Histoire.
En 2007, l’épave du D-3 a été retrouvée au large de Fécamp par une équipe de plongeurs britanniques d’Appleton Sub-aqua. L’un des membres de l’équipe, Chris Porter, raconte : «En plongeant au large de Fécamp, en France, nous sommes tombés sur le D-3 couché sur un fond de 50 mètres, l’eau dans cette zone assez éloignée de la côte étant exceptionnellement claire, l’épave était déjà visible à partir de 35 mètres et le sous-marin était presque entièrement visible. Nous avions trouvé la position deux ans auparavant, mais en raison des conditions météorologiques défavorables, c’était la première fois que nous réussissions à y plonger. Vu les mesures prises sur des éléments remarquables du sous-marin et la position caractéristique des deux tubes lance-torpilles à l’avant, l’un sur l’autre, leurs mensurations ainsi que celles du tube de l’arrière, il ne faisait aucun doute que c’était bien le HMS D-3. Nous notifié la découverte aux autorités maritimes, mais il nous a été dit ne toucher à rien. Nous avons publié un article dans le magazine Diver au Royaume-Uni, au sujet de cette découverte ».
Malheureusement, les plongeurs britanniques n’ont pas souhaité divulguer les coordonnées de la position de l’épave. Il y a lieu donc de la rechercher quelque part entre Fécamp et Dieppe, sur la ligne des 50 mètres…