Chaque jour, une épave : 6 mai 1930, Locqueltas, le bateau ivre de Lorient

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Chaque jour, découvrez dans www.plongee-infos.com l’histoire d’une épave, coulée à la même date par le passé, quelque part près des côtes françaises ou ailleurs dans le monde, déjà explorée… ou pas ! Vous retrouverez ainsi quotidiennement un nouveau site, pour vous confectionner une collection passionnante pour vos futures plongées ou simplement pour explorer… l’Histoire!

Le Locqueltas était un bateau de pêche de Lorient de 30 mètres de long, construit en 1917 sur un chantier du Québec, propulsé par un moteur de 3 cylindres de 350 cv. Son armateur et capitaine était Joseph Yvon, patron pêcheur lorientais.

Le Locqueltas était un chalutier à vapeur de 30m de long

Le 6 mai 1930 vers 17h, le cargo Formigny des Messageries Maritimes quittait Lorient et s’engageait dans la passe de l’ouest, entre Kerpape et le banc des Truies. Alors qu’il sortait des passes, toujours dans le rayon d’observation du sémaphore de Gâvres (qui signala l’incident), il entra en collision avec le chalutier Locqueltas, venant du port de Kérornan, qui appareillait pour les lieux de pêche. Le chalutier fut pris par le travers et le bordé enfoncé créa une voie d’eau. Selon le procès verbal de constat, l’abordage a eu lieu à 900 mètres au 168 de la tourelle cardinale sud du Grasu.

Les dispositions immédiates furent prises, et l’équipage, composé de dix hommes, a pu quitter le bord sain et sauf. Il fut recueilli par un bateau qui se trouvait dans les parages, le voilier Petit Joseph, de Groix. Peu de temps après le Locqueltas coulait.

Le vapeur Formigny appartenait aux Messageries Maritimes

Selon le témoignage du capitaine Octave Barinci, commandant du Formigny, le chalutier montrait un comportement bizarre, naviguant en zigzag devant l’étrave du cargo, jusqu’au moment du choc : «le chalutier Locqueltas, du port de Lorient, se trouve par mon avant tribord à 200 mètres environ et faisant une route parallèle à la mienne, quand brusquement, par suite d’une vitesse plus forte, il vient sur bâbord, en me coupant nettement la route devant, pour venir se placer sur mon avant à bâbord, à 150 mètre, environ, et reprend sa route parallèle. Au bout de quelques minutes le chalutier Locqueltas vient de nouveau brusquement sur tribord, me coupe la route devant et passe à 20 mètres de mon étrave pour venir se placer à nouveau sur mon avant tribord et reprend une route parallèle.

Cette fois-ci le rapprochement étant plus grand, malgré sa vitesse supérieure, par suite de ses routes en zigzag, je n’ai pas hésité de prévenir le patron de ce chalutier au moyen d’un porte-voix que ses manœuvres étaient inqualifiables et qu’il devait respecter les règles de barre. Au même instant le chalutier revient bâbord toute.

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Pour éviter toute collision, j’ai immédiatement stoppé et fait machine en arrière à toute vitesse. Le Locqueltas a continué son abattée sur bâbord à toute vitesse et est venu se heurter à l’étrave de mon navire qui avait néanmoins encore un peu d’erre. Le choc a été faible, puisque aucune secousse n’a été ressentie à bord.»

Doit-on voir dans ce comportement bizarre, un excès de gwin ru (vin rouge en Breton) qui a fait la réputation des marins lorientais ? C’est ce qu’a cru constater le commandant du cargo, ainsi que plusieurs de ses membres d’équipage, en référence à la bordée d’injures qu’ils ont reçue du chalutier quand ils ont voulu les prévenir du danger imminent, à l’aide d’un porte-voix. Injures qui ne tarissaient toujours pas lors de l’évacuation du bateau de pêche par un équipage qui semblait tanguer plus fort que la mer environnante et qui refusa l’aide proposée, bien que les moins avinés soient obligés de traîner ceux qui ne tenaient même plus debout, non pas à la suite d’une blessure quelconque, mais des effets de leur ivresse plus que manifeste.

Les veilleurs du cargo avaient aussi remarqué que dans les instants précédant l’abordage, il n’y avait absolument personne à la barre du Locqueltas : «quand j’ai parlé au chalutier avec le porte-voix pour le prier de respecter les règlements de barre et de route, j’ai constaté, et cela m’a d’autant plus navré que j’étais encore dans le chenal, que l’homme de barre n’était pas à son poste, et d’après des déclarations formelles de plusieurs membres de mon équipage, il résulte, en effet, qu’il n’y avait aucun homme dans la chambre de barre. D’autre part, j’ai constaté, ainsi que plusieurs membres de mon équipage, que l’état d’ivresse générale régnait à bord du Locqueltas. En effet, nous avons tous remarqué que certains membres de ce navire ont été débarqués par la force et traînés, tellement ils avaient bus, et c’est vraisemblablement ce qui explique les routes incompréhensibles de ce navire.»

Par la suite (après dégrisement ?…), ces allégations furent fermement démenties par le patron Joseph Yvon dans sa déposition, jurant par Bacchus que le cargo lui avait foncé dessus et accusant le capitaine du cargo de ne pas avoir essayé de l’éviter. Après quoi, il put aller se remettre de ses émotions au bar des pêcheurs. A la votre !

Aujourd’hui, l’épave du Locqueltas cuve dort toujours par 15 mètres de fond entre le Grasu et le banc des Truies, à peu de distance de la balise latérale gauche qui borde le chenal, aux coordonnées : latitude 47° 41’ 044 N et longitude 3° 24’ 960 W. Même si la coque en bois s’est en partie détériorée avec le temps, elle offre encore de beaux points de vue sur ses membrures qui se dressent comme les côtes d’un squelette, mais aussi sur la machinerie, la chaudière et sur son hélice. Une plongée accessible à tous et très agréable pour la découverte des néophytes, pour peu que l’on évite de soulever les sédiments du fond.

Lien vers vidéo Youtube de Christophe B.

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