Chaque jour, découvrez dans www.plongee-infos.com l’histoire d’une épave, coulée à la même date par le passé, quelque part près des côtes françaises ou ailleurs dans le monde, déjà explorée… ou pas ! Vous retrouverez ainsi quotidiennement un nouveau site, pour vous confectionner une collection passionnante pour vos futures plongées ou simplement pour explorer… l’Histoire!
Au début de la seconde guerre mondiale, en 1939, la France ayant la responsabilité du théâtre méditerranéen, c’est en Méditerranée qu’étaient basés la plupart de ses sous-marins. Au début de l’année 1940, dans le but d’empêcher l’Allemagne de s’approvisionner en fer suédois transitant par le port de Narvik en Norvège, l’amirauté française donna son accord à son homologue britannique pour détacher des sous-marins dans des bases anglaise de la mer du nord, et de les placer sous commandement britannique. C’est ainsi que le sous-marin Doris, commandé par le capitaine de corvette Favreul, rallia en avril 1940, la base d’Harwich, en compagnie d’autres sous-marins et du ravitailleur Jules Verne.
La Doris était un sous-marin de 2e classe dit de 600 tonnes ou de type « Circé », destiné aux opérations côtières. Construit en 1927 par les chantiers Schneider de Châlon-sur-Saône pour le compte de la Marine Nationale française, il est entré en service effectif en 1930. Le type « Circé comprenait 4 sous-marins aux mêmes caractéristiques : Circé, Doris, Thétis et Calypso. Il mesurait 62 mètres de long et jaugeait 615 tonnes en surface pour 776 tonnes en plongée. Il était propulsé par 2 moteurs diesel de 625 cv pour une vitesse de 14 nœuds en surface et 2 moteurs électriques de 500 cv pour une vitesse de 7,5 nœuds en plongée. Il était armé de 7 tubes lance-torpilles de 550 mm, 1 canon de 75 mml et 2 mitrailleuses de 13,2 mm.
Devant l’imminence de l’invasion de la Hollande par les troupes terrestres allemandes et d’un débarquement par la côte, Le 3 mai 1940, l’Amirauté britannique avait signalé la présence de plusieurs U-Boote qui longeaient la côte hollandaise vers le sud. Il fut décidé de renforcer le barrage de sous-marins alliés établi devant cette côte. La Doris, malgré son moteur bâbord défectueux, reçut l‘ordre d’appareiller.
Le 7 mai 1940, trois jours avant le déclenchement de l’offensive allemande qui allait submerger notre pays, le sous-marin Doris appareillait de Harwich pour prendre place dans le barrage de sous-marins au large des côtes néerlandaises, face au Helder. A bord se trouvaient 42 marins français et 3 marins britanniques. Il ne rentrera pas de mission.
Dans la nuit du 8 au 9 mai 1940, la mer était belle, éclairée par la lune. La Doris faisait route en surface, vraisemblablement pour recharger ses batteries. A quelque distance, une autre unité, l’Amazone patrouillait sur sa zone. Peu avant minuit, une explosion fut entendue, accompagnée d’une lueur d’incendie à l’horizon, suivie quelques minutes plus tard d’une deuxième explosion. Les témoins des faits pensèrent immédiatement à la Doris, puisque les explosions s’étaient produites sur son secteur. Mine ? Torpille ? La question restait sans réponse et rien ne permettait de déterminer avec précision l’origine de ces explosions. Aucun appel de détresse ne fut capté, aucun engin de sauvetage ne fut aperçu. Le silence retomba sur les flots sombres.
Le 9 mai, les doutes quant au sort de la Doris commencèrent à se confirmer quand la radio allemande annonça la destruction d’un « sous-marin ennemi » en mer du nord. Dans les jours qui suivirent, les tentatives de contact avec la Doris restèrent vaines. Des consignes furent néanmoins envoyées à son intention au cas où elle observerait un silence radio comme il était d’usage. Mais ces consignes ne furent pas suivies d’effet. Sommée de signaler sa position, la Doris ne répondit toujours pas.
Le 15 mai 1940, par un message secret émis de son PC de Northways à Londres, le vice-amiral commandant les sous-marins britanniques informait le commandement français « qu’il fallait considérer comme perdu le sous-marin Doris qui depuis le 9 mai n’avait pas répondu aux appels ».
À partir du 20 mai, en France que les forces allemandes avaient commencé d’envahir, les autorités firent alors annoncer à chaque famille que le sous-marin « avait disparu corps et biens en mer du Nord au cours d’une mission de surveillance dans une zone minée par l’ennemi ». L’épave du sous-marin dont la position approximative était connue, ne fut jamais recherchée par les autorités françaises.
C’est bien longtemps après la fin de la Seconde Guerre mondiale que l’on commença a obtenir des éléments de réponses, par la consultation des archives de la Kriegsmarine qui, sur ordre de l’Amiral Dönitz, avaient été préservées pour attester de la régularité des actions des U-Boote. Dans ces archives figurait le rapport de l’U-9, commandé par le capitaine Lüth, qui décrivait dans le détail le torpillage d’un sous-marin allié sur le secteur de la Doris. Il ne pouvait donc s’agir d’un autre sous-marin que la Doris, seul submersible disparu en cette nuit du 8 au 9 mai 1940.
L’U 9 avait aperçu un sous-marin en surface éclairé par la lune. Après s’être assuré qu’il ne s’agissait pas de l’un des siens, notamment par comparaison de la taille et de la forme du kiosque qui ne ressemblait en rien à un U-Boot, l’U 9 prit en chasse son adversaire. Au début, l’équipage de la Doris ne semblait pas s’être aperçu de la présence de l’U-Boot, mais au bout de quelques instants, le submersible français força l’allure, ce qui semblerait prouver qu’il avait vu l’Allemand. Mais comme son moteur bâbord était défectueux et ne délivrait que 50% de sa puissance, il lui était impossible de distancer son poursuivant. Puis la Doris changea de cap plusieurs fois, essayant de le semer ou pour éviter un éventuel lancement de torpille, en vain. Le capitaine allemand confirma avoir ordonné le lancement d’une torpille G7E à moteur électrique à 2 mètres d’immersion, suivie d’une torpille G7A à moteur à air, à 3 mètres d’immersion, pour une distance de 700 mètres. Après 52 secondes (780 m), une forte explosion se fit entendre, suivie dune colonne de feu et de fumée. C’est la torpille G7A à propulsion par air comprimé qui a atteint son but, vraisemblablement au niveau des réservoirs à carburant, d’où l’ampleur de l’explosion. La deuxième torpille poursuivit sa route et explosa 10 minutes plus tard, après être arrivée au bout de sa course sans avoir rencontré sa cible. Après avoir constaté la présence d’une grande nappe d’huile et l’absence de survivant en surface, l’U 9 remit alors en route et poursuivit sa mission. La Doris venit de couler, en quelques minutes, avec la totalité de son équipage.
Pendant des années, l’épave de la Doris a été recherchée par les plongeurs, sans succès. Pendant l’été 2003, deux plongeurs hollandais sont partis d’Ijmuiden reconnaître une épave anonyme. Celle-ci, depuis longtemps signalée par les pêcheurs pour avoir souvent croché leurs chaluts, fut finalement identifiée comme étant celle de la Doris.
Authentifiée par les plongeurs du chasseur de mines français Cassiopée, cette découverte inespérée avait enfin permis, 64 ans après leur disparition, d’honorer la mémoire des quarante-cinq hommes de la Doris, et de révéler à leurs familles présentes à Brest le 27 novembre 2004 pour une cérémonie d’hommage, quelles furent leurs conditions de vie dans une base anglaise et les circonstances de la fin de leur sous-marin.
Aujourd’hui, la Doris repose toujours par 26 mètres de fond en face du Helder, sur la côte hollandaise, aux coordonnées : latitude 52° 47’ 302 N et longitude 3° 49’ 120 E. L’épave est partiellement ensablée, mais certains éléments son encore reconnaissables, comme le périscope. Une zone déchiquetée vers le milieu désigne l’endroit de l’explosion. La Doris, longtemps oubliée, vaut bien une petite visite de nos jours, en hommages à son équipage qui repose encore dans ses entrailles.
Lien vers la vidéo Youtube de Karl Van Dijk :