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Cet article est une reprise d’un texte de Pierre Letellier, BEMP de plongée sous-marine, paru en avril 1999, actualisée et augmentée par Paul Poivert (MF2/ES1 – Inst CMAS*** – IT TDI – SSI PRO 5000).

La règle d’or en plongée sous-marine, c’est de ne jamais plonger seul.

C’est vrai. Si l’on suivait à la lettre cette règle primordiale, cet article n’aurait pas lieu d’exister. Mais voilà, dans la réalité nombreux sont les plongeurs que l’on peut croiser, seuls, au détour d’une épave ou d’un tombant…

Les prétextes ne manquent pas : assurer le mouillage ou au contraire aller le relever, la recherche de la grande expérience… Ce sont aussi certaines situations de plongée particulières qui peuvent empêcher la progression à plusieurs, notamment chez les plongeurs confirmés, lors de pénétration d’épaves étroites ou en exploration spéléo avancée. Plus couramment, ce sont tout simplement des plongeurs qui ont perdu leur palanquée, qui se sont un peu trop écartés de leur coéquipier ou qui ont l’esprit occupé à autre chose : photo, observation bio, etc..

Alors que certains vantent les vertus de la plongée en palanquée et la sécurité indéniable qu’elle procure, d’autres s’aventurent dans la zone crépusculaire du « risque calculé et accepté », d’autres encore font l’expérience involontaire d’une situation plutôt stressante, obligés de gérer leur remontée seuls car ayant perdu leur(s) compagnon(s)… Alors si d’aventure vous vous sentez un peu seul au cours de la plongée, vous aurez le choix entre prier tous les dieux aquatiques, ou bien prendre en main, lucidement et sans panique, la gestion de votre fin de plongée sans plus compter sur le « lâcheur » qui vous a planté là.

Et certains vont même jusqu’à affirmer : «mieux vaut plonger seul que mal accompagné…»

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Une pratique réservée aux plongeurs confirmés ?

Le matériel de plongée est devenu parfaitement fiable, quelle que soit sa marque, car obéissant à des normes très strictes. Qui connaît actuellement, le cas d’un détendeur bien entretenu et en bon état, qui soit tombé en panne ? Celui d’un gilet de bonne qualité qui ait refusé de se gonfler ?

Partout dans le monde, on a profité de cette évolution pour plonger autrement, avec de nouvelles techniques, de nouvelles pédagogies et de nouvelles idées. Même la célèbre école PADI, connue pour limiter la pratique de la plongée récréative au cadre le plus sécuritaire possible, a quand même créé une spécialité « Solo Diver ». En France, cette évolution a été timide et circonspecte au début, mais on n’arrête pas l’évolution… Si autrefois dans le milieu fédéral, il a fallu beaucoup de temps, ne serait-ce que pour utiliser le gilet stabilisateur directement à partir du baptême (jusqu’aux années 80/90, le gilet était réservé au « 2e échelon », ancien niveau 4, le débutant n’avait droit qu’à ses palmes pour se maintenir). De même, l’utilisation systématique du 2e détendeur est encore toute récente. En pédagogie, on en est encore à disséquer et démontrer des gestes alors que la tendance serait plutôt à enseigner des comportements. Les esprits restent frileux, conformistes et se complaisent dans un marais de clichés, de poncifs et de tabous. La « plongée solo » en est un exemple.

Citons Pierre Letellier, moniteur BEES2 témoignant d’une très riche expérience, qui sur un ton ironique, lançait en son temps dans un article de presse  : « Tu ne plongeras pas seul, tel est le Commandement écrit dans toutes les bibles de plongée… Pardonnez-moi mon père, mais j’ai péché… Je me suis adonné à cette activité solitaire et je ne m’en repens même pas !»

Un sujet tabou

La plongée solo… Personne n’ose parler ouvertement du problème. Tout juste, sur certains forums, on aborde prudemment le sujet sur lequel on jette très vite un voile pudique. Cachez cette pratique que je ne saurai voir !!! Cette pudeur relève tout de même d’une certaine hypocrisie, car nombre de moniteurs et de monitrices s’y complaisent honteusement, mais n’en parlent que sous le manteau., chuchotent à quelques proches, « initiés », qu’ils aiment ça, tout en se défendant mordicus de la pratiquer. Faites ce que je dis, pas ce que je fais.

Le moniteur qui va fixer le mouillage à 40 mètres et qui se promène ensuite seul sur l’épave, avec le sentiment d’avoir le site pour lui tout seul ; celui qui se réimmerge une fois sa palanquée d’élèves remontée à bord, pour décrocher le mouillage… Tous ceux-là font délibérément de la plongée solitaire.

La plongée solo s’est toujours pratiquée, plus ou moins ouvertement, du plongeur confirmé au moniteur, du plongeur Tek au spéléo. Il y a quelques années, un directeur de club me disait : «lorsque je reçois un nouvel encadrant, je l’emmène sur la zone de plongée et du bateau, je lui décris les sites. Je lui demande ensuite d’aller les explorer seul. Si les bulles ne s’écartent pas de l’ancre, je ne l’engage pas.»

Le photographe sous-marin est un cas typique de plongée solitaire : non-seulement il n’accorde bien souvent qu’une attention très limitée à son coéquipier, mais celui-ci peut aussi être amené à s’écarter, fatigué d’attendre… (Ph. Y. Chocoloff)

L’idée même de la plongée solo va à l’encontre de la notion universellement admise de plongée en équipe ou en palanquée et de la sécurité qui en découle. Il convient donc de s’interroger sur l’utilité de la présence d’une autre personne à vos côtés en plongée et que pouvez-vous en attendre, sur le plan de l’entraide et surtout de la sécurité.

Quitte à nous faire l’avocat du diable, voyons la situation du point de vue du plongeur solo, histoire de mieux appréhender les motivations qui peuvent pousser à cette pratique et d’analyser les arguments mis en avant.

Selon Pierre Letellier, qui en son temps avait eu le courage d’analyser la pratique de la plongée solo, la première question sur laquelle on peut d’ores et déjà réfléchir est la suivante : demandez-vous à votre moniteur d’auto-école de vous accompagner lorsque vous conduisez votre voiture ? Si vous maîtrisez suffisamment votre véhicule et que vous possédez le permis de conduire adéquat, vous aurez probablement répondu non à cette question. Alors pourquoi voulez-vous être accompagné d’un moniteur dès lors que vous savez plonger et que vous avez dans la poche le diplôme correspondant ? On imagine bien évidemment que vous restez dans le cadre de vos prérogatives. C’est pour cette raison que des niveaux de plongée existent, qui donnent droit à une certaine autonomie, en-dehors de la présence d’un responsable (ex. : niveau 3). Mais cette autonomie n’est admise qu’au sein d’une palanquée ou d’une équipe, ce qui implique le fait de mettre sa propre sécurité entre les mains de son (ou ses)compagnon(s), avec normalement, une réciprocité attendue.

Il se peut néanmoins que le plongeur de loisir, peu expérimenté et à la pratique sporadique, ait besoin d’être rassuré par l’encadrement d’un moniteur ou d’un Dive Master parce qu’il a conscience de ne pas maîtriser suffisamment sa technique : c’est alors une demande tout à fait légitime et respectable : il vaut mieux être conscient de ses propres limites.

Ce sentiment peut aussi résulter du fait que l’apprentissage de la plongée tend à «programmer» le pratiquant, dès le début de la progression, à plonger avec un «responsable», situation peu favorable au développement du sentiment d’autonomie. Mieux encore, en cas d’accident, les enquêteurs recherchent en premier lieu la responsabilité du moniteur, du directeur de plongée voire du responsable de la structure.

Mieux vaut plonger seul que mal accompagné… ?

Mais dans ce cas, si le plongeur en recherche de sécurité va pouvoir évoluer sous l’œil protecteur de son encadrant, quid de la sécurité de celui-ci ? Peut-on sérieusement considérer que le plongeur encadré, qui ne se sent pas suffisamment sûr de lui pour assurer sa propre sécurité, sera capable de porter assistance à son encadrant si celui-ci connaît un problème ? Le moniteur n’est-il pas alors en situation de plongée solo, puisque son « protégé » n’est pas en mesure de lui porter assistance ?

Le moniteur sait très bien qu’en cours de formation, il se retrouve responsable d’une palanquée dont il sait pertinemment qu’aucun de ses élèves ne serait capable de le remonter en cas de problème (Ph. Y. Chocoloff)

Cette situation appelle une anecdote, que j’ai pu expérimenter de nombreuses fois dans ma carrière de moniteur : évoluant en exploration avec une palanquée d’élèves à différents niveaux de leur progression, je simulais brusquement, sans prévenir, une perte de conscience. Après quelques soubresauts, je lâchais mon détendeur et me laissais couler comme un pantin jusqu’au fond, où je me retrouvais la tête plantée dans le sable ou les posidonies, sans plus aucun mouvement, ni aucune bulle puisque j’avais préalablement lâché mon détendeur. Puis j’attendais la réaction des membres de ma palanquée, m’attendant à être rapidement soulevé, retourné, pris en charge et remonté manu-militari.

Et bien, pas du tout. Dans 100% des cas (je dis bien 100%), arrivé au bout de mon apnée, je finissais pas me relever pour reprendre une grande lampée d’air salvateur et je me retournais pour découvrir devant mes yeux ahuris, tous les membres de ma palanquée agenouillés en arc de cercle, attendant sagement la suite de la démonstration ! Car pour eux (ils m’ont tous avoué la même chose), il leur était inconcevable qu’il puisse arriver un problème au moniteur, donc tout logiquement cela ne pouvait être qu’un exercice. Si la difficulté avait été réelle, je serais donc mort des dizaines de fois, sous le regard fidèle et bienveillant de mes palanquées successives…

La norme en plongée de loisir est d’être déresponsabilisé, et de se vautrer dans la sécurité assurée par plus expérimenté que soi. Certes, se balader dans les jardins sous-marins en sécurité a un côté réconfortant, mais l’activité y perd cet aspect qu’elle a de plus précieux : alors qu’elle devrait être une école d’aventure et de liberté, elle n’est le plus souvent qu’une fade garderie de plongeurs assistés.

C’est pour cette raison qu’est née et s’est développée la plongée Tek, avec son caractère «hors-normes», voire carrément «no-limit», qui regroupe les amoureux de la liberté et de l’exploration pure et qui se donnent les moyens, techniques et physiques, de leurs aspirations en développant un style de plongée résolument différent. On met en place des procédures qui répondent à tous les imprévus et l’on apprend à être attentif à des situations que l’on sait être potentiellement dangereuses et que l’on accepte comme telles. Car en plongée Tek, même si l’on plonge en palanquée, chaque plongeur sait (et est préparé de telle façon) qu’il doit être capable de se sortir seul d’une mauvaise situation et n’a pas besoin de compter systématiquement sur son compagnon. Il faut savoir qu’en plongée très profonde aux mélanges, par exemple, assurer l’assistance d’un plongeur en difficulté est quasiment impossible…

Le plongeur assisté, un danger potentiel

Reprenons notre propos et supposons que vous ressentiez intensément le besoin de plonger sous tutelle. Dites-vous bien que, même si le moniteur est passionné par son métier et éprouve un immense plaisir à transmettre ses connaissances, vous allez représenter pour lui une certaine servitude : il va prendre la responsabilité de votre sécurité. En clair, vous représentez pour lui un danger potentiel qu’il va tenter de gérer.

Indépendamment du fait qu’il tire, d’une manière ou d’une autre, avantage de cette situation, il serait à l’évidence plus en sécurité s’il plongeait seul. C’est pour cette raison que nombreux sont les moniteurs qui, même s’ils ne l’avouent pas clairement, estiment qu’ils prennent infiniment moins de risques à se promener en solitaire quand ils en ont l’occasion, plutôt qu’avec une palanquée.

La petite phrase traditionnelle qu’un moniteur adresse à la cantonade avec un ton emphatique, avant les exercices à -40m lors d’une formation au N4 : « pensez bien que votre moniteur (trice) n’est qu’un homme (femme), qu’il a ses faiblesses et qu’il fait partie, au même titre que vous, de la palanquée… » Cette phrase n’est pas un signe d’humilité de l’enseignant, ni une contrition publique. S’il le pensait vraiment dans ce sens, il ne descendrait pas. Cette précaution oratoire permet simplement de rappeler aux élèves qu’un moniteur que l’on remonte lors d’un exercice de sauvetage ou d’assistance, immobilisé par un étranglement, un genou entre les omoplates avec le détendeur dans l’oreille et le masque écrasé sur le nez, a des raisons objectives de trouver le temps long et qu’il aimerait que son élève soit un peu moins emporté par son zèle ou bien que quelqu’un de la palanquée prenne l’initiative d’améliorer sa situation…

La conclusion de cette première partie peut amener à croire qu’un moniteur est plus en sécurité s’il plonge seul qu’avec un ou plusieurs élèves. Et si vous n’êtes pas encadrant ? L’argument n’est pas différent et la réponse à une seconde question pourrait vous apporter un élément de réponse : vous semble-t-il prendre plus de risques lorsque vous conduisez seul sur l’autoroute à 130 km/h, qu’avec un passager à vos côtés ? Je devine la réponse… Alors pourquoi être systématiquement accompagné par une autre personne en plongée ?

Il en va de même pour deux plongeurs de niveau moyen, qui n’ont pas forcément l’habitude de plonger ensemble, qui n’ont pas les mêmes centres d’intérêt. Chacun remet entre les mains de l’autre sa propre sécurité, sans même le connaître et savoir si celui-ci sera en mesure d’avoir la bonne réaction en cas de problème. Dans toutes les situations que nous rencontrons très fréquemment en plongée, on se rend compte que l’assurance apportée par la présence d’un coéquipier, voire d’une palanquée, peut être illusoire. Elle peut engendrer un faux sentiment de sécurité qui peut se transformer en cruelle désillusion quand, au moment où la situation dégénère, on voit son compagnon paralysé par la panique…

C’est seulement lorsque le plongeur sait qu’il est capable de se sortir seul d’une mauvaise passe, qu’il peut plonger en sécurité avec un coéquipier.

Si vous avez besoin d’un compagnon pour vous rassurer en plongée, c’est que vous n’êtes pas suffisamment expérimenté. Vous n’êtes donc pas autonome au sens littéral du terme. Posez-vous alors la question : « que se passerait-il si je perdais mon équipier ou ma palanquée ? » Seriez-vous capable de remonter ? Si la réponse est non, alors dites-vous que vous êtes imprudent et que vous avez besoin d’un complément de formation, sinon d’une expérience plus solide. Car la situation d’assisté est grandement périlleuse.

Si vous êtes capable de remonter sans problème, alors vous disposez des éléments d’évoluer seul en sécurité. CQFD !

Les cas où, au cours d’une plongée, un membre d’une palanquée se trouve isolé, ses compagnons ayant continué leur chemin alors qu’il était occupé à observer un animal, ne sont pas rare. Le plongeur délaissé se trouve alors, involontairement, en situation de plongée solitaire et devra gérer sa fin de plongée seul.

Une autre question est celle de votre responsabilité vis-à-vis de votre coéquipier. Car si vous êtes en droit d’attendre de lui une certaine assistance, cette revendication est réciproque. Si c’est lui qui a un problème, par exemple, une panique qu’il ne parvient pas à maîtriser, serez-vous capable de l’aider efficacement sans que la situation ne vire à la catastrophe pour les deux ? Si votre réponse est non, vous devez admettre que vous n’êtes pas une sécurité pour lui et qu’il représente lui aussi un danger pour vous. Il aurait alors mieux valu pour vous deux, de continuer vers une formation plus approfondie. A moins de vous orienter vers une autre activité, moins contraignante…

Par contre si votre réponse est oui, si vous êtes capable de prendre en charge une personne en difficulté, c’est que vous disposez déjà d’une technique affirmée. Mais alors pourquoi voulez-vous prendre la responsabilité d’assurer la sécurité d’un autre plongeur, alors que ce qui vous intéresse, c’est d’explorer, découvrir, photographier ? Là encore, vous auriez plus de plaisir à plonger en solitaire.

On peut plonger en solo quand on sait qu’on en est capable et non pas pour se prouver qu’on peut le faire.

Dans les différents cas évoqués précédemment, on serait tenté de conclure que la plongée solo serait plus sûre que la plongée en palanquée. Et si l’on envisageait maintenant la Loi de Murphy (ou Loi de l’emm…dement maximum) ? La panne de matériel est l’hypothèse qui vient en premier. On pourrait penser que c’est un faux problème, au regard de la qualité et de la fiabilité qu’a atteinte aujourd’hui l’équipement de plongée. Bien entendu, on ne peut prétendre qu’une pièce de l’équipement ne tombera jamais en panne. Mais cela est insuffisant pour justifier la présence d’une personne auprès de vous, d’autant plus que les techniques de plongée Tek ont apporté une réponse à cette éventualité en doublant systématiquement toutes les pièces vitales : blocs, détendeurs, ordinateurs et même masques. À l’opposé, on connaît nombre de cas où des accidents se sont produits parce que des plongeurs ont été incapables de se prendre en charge en l’absence du moniteur. Ces incidents font pencher la balance vers les arguments du début de cet article, à savoir que l’on est en sécurité seulement si l’on sait plonger de manière totalement autonome et que l’on sait réagir par soi-même à toute situation. C’est aussi seulement dans ces conditions que l’on sera en mesure de porter assistance à un autre plongeur.

La plongée spéléo est l’exmple-type d’un type de plongée résolument tourné vers l’autonomie absolue. lors d’une exploration de pointe, le plongeur, bien souvent seul, aura pris soin de doubler tous ses éléments vitaux et aura dressé un “Run-time” pour planifier les conditions d’immersion et la consommation des différents gaz.

L’enseignement de la plongée à l’origine, n’a pas pour but de rendre le plongeur dépendant de son encadrement, même si cela peut être très rentable au centre de plongée. Sa raison d’être est avant tout de rendre possible l’évolution sous-marine en toute liberté. Il est clair que dans l’absolu, si l’on ne veut pas prendre de risque, il vaut mieux visiter les fonds marins depuis un sous-marin touristique… Pour pouvoir s’affranchir des contraintes, il est nécessaire d’accéder à une certaine autonomie dans les conduites à tenir face aux situations qui se présentent. Chacun doit pouvoir vivre, en totale liberté, sa propre aventure sous-marine.

Si la panne est de moins en moins envisagée, l’impondérable lié à la santé, lui est toujours présent, comme dans la vie de tous les jours. Les cas où la sécurité du plongeur est clairement menacée sont de deux ordres : le premier est une conséquence de l’erreur ou de la non-observation, volontaire ou non, des consignes de sécurités, qui peuvent amener rapidement à une situation du genre accident de décompression ou tout autre accident biomécanique ou biochimique. (barotraumatisme, syncope anoxique en apnée, etc..). À cet argument, on peut répondre que s’il y a erreur ou faute, c’est que le plongeur, là encore, n’est pas suffisamment préparé et expérimenté et a dépassé ses limites. De nombreux plongeurs comptent des milliers de plongées sans avoir eu le moindre accident, et ce pour une seule raison : ils ont scrupuleusement respecté les règles de sécurité.

Le deuxième cas où la sécurité du plongeur est menacée est la survenue d’un malaise, lié ou non à la situation de plongée. Là encore, la réponse est simple, mais elle est de moins en moins observée à notre époque : c’est la condition physique. Avec un certain vieillissement de la population de plongeurs, on a vu apparaître depuis quelques années un nouveau type d’accident qui se produit généralement au fond : le malaise cardiaque. Ce genre d’accident se produit principalement sur une population de plongeurs quinquagénaires, sédentaires, qui ne s’entraînent pas régulièrement. La fatigue du voyage pour rejoindre les lieux de plongée, la difficulté de s’équiper dans une combinaison où l’on a du mal à faire rentrer l’embonpoint, un état proche de l’essoufflement déjà à la mise à l’eau, les conditions sont réunies pour l’accident cardiaque au cours de l’immersion. Pourtant là aussi la solution est simple et se résume en deux notions : entraînement régulier et bonne condition physique.

C’est donc au prix d’une pratique sérieuse et régulière, d’un entraînement technique et physique et d’un bon suivi de santé que le plongeur peut s’affranchir de l’obligation d’assistance et de dépendance, de la même façon que les plongeurs Tek et les plongeurs spéléos, sachant que ceux-ci ne se considèrent pas (à juste titre) comme des plongeurs récréatifs mais comme des plongeurs sportifs. Cette nuance est importante car elle permet d’entrevoir justement les différences au niveau de la formation, de l’entraînement et de la préparation de chaque plongée qui est une phase primordiale en plongée technique. Elle est résumée par cette citation souvent reprise dans les écoles de plongée Tek américaines :  « plan the dive, dive the plan » (planifie ta plongée et plonge selon ta planification). Dans cette planification, tout est prévu pour réagir et maîtriser (soi-même) toutes les situations que l’on peut être amené à rencontrer. L’assistance éventuelle d’un coéquipier ne sera qu’une aide supplémentaire et non pas un recours incontournable.

Le coéquipier, seulement une sécurité supplémentaire

Sans être des extrémistes de la plongée solo, il ne faut pourtant pas écarter sous de faux prétextes la possibilité de se retrouver en situation de plongée solitaire parce que cette éventualité, bien assimilée et maîtrisée, peut sauver des vies, ou tout au moins être une manière plus sûre de plonger pour qui sait définir ses capacités et ses propres limites. Et même si l’impondérable ne peut être totalement écarté, il n’en est pas plus présent que dans la vie quotidienne. Doit-on interdire la randonnée solitaire ? Ou le cyclotourisme solitaire ? Sous prétexte d’éviter tout risque de chute qui pourrait avoir des conséquences dramatiques en cas de blessure dans un endroit isolé ? Ou bien doit-on plutôt apprendre à fixer ses propres limites et à gérer les situations que l’on peut être amené à rencontrer ? N’est-ce pas justement cela l’esprit de la découverte et de l’aventure ?

Evitons aussi de tomber dans l’interminable débat : la plongée serait un loisir et non pas un sport. Pourquoi ne pourrait-elle pas être les deux ? Les plongeurs de loisir, ou récréatifs, que sont les touristes sous-marins qui pendant leurs vacances, vont visiter les plus beaux spots autour de la planète, se limitant à l’espace où ils ne se retrouveront pas en situation critique et les autres, Tekkies, plongeurs profonds, explorateurs d’épaves et j’en passe, qui abordent l’élément sous-marin avec un but à atteindre qui nécessite un certain dépassement de soi, sont assurément et résolument dans la performance sportive. Dans ces deux catégories, chacun y trouve sa liberté, chacun en accepte les risques en toute lucidité.

La plongée profonde fait partie de ce type d’activité que l’on peut appeler “plongée sportive” car elle dépasse largement le cadre sécuritaire de la plongée de loisir. Le plongeur bien préparé sera à même de répondre par lui-même à toute éventualité.

Fort heureusement, même (et surtout) à grande profondeur, l’accident est rare. Lorsqu’on pratique seul, on plonge totalement pour soi et l’on n’a rien à prouver à qui que ce soit. L’expérience montre que l’on est alors très raisonnable et que l’on sait se limiter en profondeur et en temps, on n’hésite pas à interrompre une plongée au moindre doute, ce qui n’est pas toujours le cas en plongée en palanquée (il me vient en mémoire le cas de cette plongeuse de petit niveau qui, n’ayant jusque là jamais dépassé 30 mètres, s’était retrouvée à suivre sa palanquée composée de plongeurs confirmés à une profondeur de plus de 60m car elle n’avait pas osé gâcher le déroulement de la plongée et avait peur de passer pour une « poule mouillée »… Heureusement cette histoire s’est bien terminée, l’infortunée en ayant été quitte avec une belle narcose).

Alors, faut-il refuser systématiquement d’être accompagné pour accéder à la béatitude sous-marine ? Surtout pas, mais pas pour des raisons de sécurité. Il vaut mieux réserver le fait de plonger avec un autre, une personne que l’on apprécie, pour le plaisir d’être ensemble, de découvrir des choses conjointement, de vivre de moments exceptionnels en compagnie d’un(e) ami(e), de prendre ensemble des fou-rires, de partager des émotions. Là est l’incomparable avantage de la plongée, sans forcément considérer le coéquipier comme un élément de sécurité.

4 Commentaires

  1. sauf cas très particulier tels qu’essais de matériel à risque et certains travaux publics sm j’ai toujours plongé sel et tranquille, même un peu bas.
    Par contre la sécurité elle est surtout en surface, j’avais une méthode qui faisait que je remontais oùje voulais et que je retrouvais tours mon bateau entre les mains de ma femme à l’aplomb avec le bout’ pour le palier équipé d’une bonne gueuse, me permettant ainsi de faire mon palier au repos et en dérive.
    Visiblement cela s’est bien passé.

  2. Enfin un article qui reprend les différents aspects de la plongée solo avec la philosophie qui sous tend la pratique. Trop souvent, nous sommes considérés comme des inconscients et donc pratiquons sur notre bateau personnel avec peu de possibilité d’échanges constructifs pour améliorer notre pratique. Par ailleurs, j’apprécie également les plongées en palanquées (quand je connais les participants) et les plongéeS d’encadrement. Toutes ces formules entrainent beaucoup de satisfaction lorsque les objectifs sont clairs.
    Il est grand temps de lever ce tabou. Merci pour cet article.
    Christophe FAVREAU
    BEES1 Plongée

  3. Je vais avoir 80 ans dans quelques mois…je plonge depuis 65 ans, ça me fait à peu près…heu, pas loin de 9000 plongées dont certaines (70%) dans le cadre pro (je suis Classe II A/B et MFI) j’encadre toujours dans un club bénévole (dont j’ai été un des créateurs en 1962) J’ai toujours enseigné à mes élèves qu’il ne faut jamais plonger seul…mais quelques uns savent bien que moi aussi je m’adonne au plaisir de la plongée solitaire, particulièrement lorsque je fais de la photo. Quelque rares amis sont jugés (hé oui) par moi “accompagnateurs validés” car ils savent rester à proximité sans interagir avec l’environnement. Quand ils ne sont pas disponibles j’y vais tout seul, mais j’ai la chance de disposer d’un éventail de sites ou je peux plonger tranquille, généralement de la côte et peu profond.
    Si je fais l’inventaire des quelques situations difficiles auxquelles j’ai du faire face, cela a toujours été le fait de compagnons de plongée que ce soit pro ou amateurs. Ce n’est pas un jugement, c’est un constat. J’avoue qu’en dehors de toute justification, en plongée comme en navigation je m’éclate deux fois plus quand j’ai l’impression d’avoir la mer à moi tout seul.
    Ne faites surtout pas la même chose…

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