Texte et photos Patrick Désormais
La Corse est l’un des meilleurs spots de plongée de France, avec des eaux cristallines et des paysages aussi accidentés au-dessous du niveau de la mer qu’au-dessus. Patrick Désormais a exploré les vallées sous-marines de Galéria et a été conquis par la visibilté exceptionnelle et le décor extraordinaire…
Malgré mes années de plongées, c’était mon premier séjour en Corse. Un petit aperçu il y a quelques années avait été non représentatif de la plongée sur l’île pour cause de pluie ininterrompue, de mer déchainée et de mauvaise visibilité. Bref, un coup de malchance plutôt rare de l’avis de tous les habitués. Un premier séjour donc, dont j’attendais énormément d’après les récits d’autres plongeurs. Qu’en était-il exactement ? Le voyageur plongeur ayant tendance à embellir démesurément ses voyages pour se persuader qu’il a fait le bon choix et qu’il ne verra jamais mieux autre part.
D’abord un petit coup de gueule auprès des compagnies aériennes. Le plongeur est une vache à lait qu’il faut ponctionner dès qu’il a un petit kilo de trop, même si leurs balances ne sont pas fiables (différences de poids entre les différentes balances pèse-bagages) ou même si l’on a un accord de poids supplémentaire déjà payé auprès du voyagiste (discussion sans fin pour obtenir gain de cause). Sans m’étendre de trop, prenez le bateau et boycottez l’avion si vous voulez apporter plus d’un slip de bain pour vous vêtir.
Le transfert entre Calvi et Galéria vous permettra brièvement de découvrir les paysages Corse. Mais pour une vision plus représentative de cette partie de l’île, je vous recommande de faire la visite de la réserve de Scandola en bateau. L’érosion a créé ici un travail d’orfèvre dans la sculpture des roches et ce sont de véritables dentelles minérales qui s’offrent à vos yeux. Le décor est impressionnant de beauté et les paysages sont magnifiques, vous verrez des falaises de granit rouge, des orgues de pierre, des arches. Cet ensemble correspond à un ancien volcan effondré et est classé Natura 2000. Cette réserve est aussi inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Le club de l’Incantu fait partie des plus grosses structures de plongée de France. Sept bateaux avec une capacité de 120 plongeurs, du matériel en bon état et régulièrement renouvelé, des blocs bien gonflés, une organisation pro parfaite. Il faut associer à cela des logements simples mais fonctionnels avec de la place pour son matériel, une restauration à plat unique qui ne laisse personne sur sa faim. En résumé, une structure faite pour vous faire plonger et bien plonger, mais la taille d’un tel club aussi professionnel soit-il a un revers, c’est l’absence d’un côté familial, à leur décharge on ne peut pas gérer un tel flux de plongeurs et prendre le temps de discuter avec chacun.
Et les fonds marins dans tout ça ? Ma première impression a été d’être déçu, les premiers mètres sont vraiment pelés, il est vrai que beaucoup de fonds méditerranéens sont à l’identique. Peut-être aussi en ce début de 21èmesiècle, les voyages étant beaucoup plus faciles (hors période covid…), nous faisons des comparaisons avec d’autres endroits dans le monde, notamment en Asie, où la vie foisonne dans quelques mètres d’eau. Heureusement les fonds corses ont d’autres atouts à nous offrir et ma déception s’est envolée après quelques plongées. D’abord la visibilité est exceptionnelle, 30 m de visi est une moyenne normale et l’on peut apprécier le décor sous-marin dans son ensemble. Le relief est extraordinaire, les roches sont torturées comme à l’extérieur. Les structures rocheuses de la réserve se poursuivent sous la surface, et vous nagez entre dentelles de roches, canyons et grottes où la faune abonde.
Pas de problème d’orientation avec une telle visibilité, vous pouvez nager ainsi au milieu des concrétions rocheuses pour explorer le territoire des sites sur une large surface, pas de palanquée à touche-touche qui se gêne pour les photos d’ambiance. Les premiers mètres étant essentiellement minéraux, la visi étant au rendez-vous, il est possible de descendre à 40 m, voir plus, sur la plupart des sites, histoire d’aller côtoyer quelques gorgones rouges ou axinelles jaunes pour ajouter de la couleur à vos clichés d’ambiance. Les sites étant quasiment tous près de la falaise, vos paliers se feront naturellement dans quelques mètres d’eau en terminant votre plongée. Attention tout de même, car une bonne visibilité fait facilement oublier la profondeur…
Quelques sites à ne pas manquer :
- Pori : Le site se trouve juste au nord de la réserve de Scandola, il est entre l’île de Pori et une roche à fleur d’eau. Pelé les premiers mètres, comme je l’ai dit précédemment, mais dans un décor minéral découpé à souhait, puis deux vallées séparées par une arête de roche descendent régulièrement jusqu’à 40 m puis plus doucement jusqu’à la limite de notre pratique. Dès la mise à l’eau, nous sommes au milieu des anthias qui virevoltent autour de nous, un peu plus bas ce sont les sars qui tournent autour des dentelles de roches, et plus bas vous croiserez quelques mérous craintifs. Plus vous descendez, plus vous rencontrez des axinelles jaunes, vers 30 m de belles nacres se dressent, cernées de posidonies. Le long de la deuxième vallée, vers 20 m, une grotte s’enfonce horizontalement dans la paroi sur une vingtaine de mètres, elle sert d’habitat à plusieurs mostelles et à un banc d’apogons. Le fond de sable héberge quelques belles cérianthes mauves. Cette vallée remonte sur les roches à fleur d’eau. Profitez-en pour aller voir quelques colonnes minérales recouvertes d’éponges orange et de parazoanthus. De retour en surface vous pourrez tirer le portrait de méduses œuf sur plat ou pélagies.
- Morsetta : Au nord du golfe de Galéria se situe une île entourée de trois sites de plongée. Le premier, entre la côte et l’île n’est pas très intéressant mais sert de mouillage abrité s’il y a du vent. Le second, en contournant l’île par le nord, nous amène dans un canyon encaissé qui est le repère d’innombrables bancs de poissons : corbs, sars, anthias, mérous nagent en banc ou seuls entre les blocs de roche. Sous ces blocs, mostelles, rascasses et murènes se partagent les cavités. J’ai rarement vu autant de poissons sur un site. Ce canyon descend assez rapidement et les 40 m sont rapidement atteints. La macro n’est pas en reste : les parois sont remplies de petites failles où crabes, galathées, bernard-l’hermite et crevettes pointent leur nez. Sur morsetta sud, un ensemble de failles profondes forment d’autres canyons un peu moins riches en poissons mais tout aussi passionnants en petites bêtes. Un petit surplomb de corail rouge vers 20 m, quelques limaces, des spirographes, des araignées et des gorgones rouges au fond présentent un vrai décor de Méditerranée.
- Le tunnel : Comme son nom l’indique, un grand boyau d’une quarantaine de mètres s’enfonce dans la falaise qui borde la côte à une profondeur de 15 m. Cette cavité est très peuplée : rascasses, porcelaines, mostelles, apogons, pagures et ophiures colonisent ce lieu. Au fond, nous apercevons de loin d’innombrables paires d’yeux qui nous observent. En s’approchant, un tapis de crevettes peuple le fond de la caverne sous les yeux d’un immense congre débonnaire. Après un virage à droite, nous apercevons la sortie qui débouche sur une aire de posidonies. Un monde dans le noir que dévoile votre torche au fur et à mesure de votre progression.
La Corse, tout du moins à Galéria, nous montre donc de magnifiques plongées méditerranéennes. Toutes n’ont pas un niveau exceptionnel, certaines sont même décevantes, mais d’autres font parties des meilleures plongées que vous pourrez faire dans la grande bleue.
Lien vers le site de photos de Patrick Désormais : http://www.patrick-desormais.com/fr/patrick-desormais-photographe