Chaque jour, découvrez dans www.plongee-infos.com l’histoire d’une épave, coulée à la même date par le passé, quelque part près des côtes françaises ou ailleurs dans le monde, déjà explorée… ou pas ! Vous retrouverez ainsi quotidiennement un nouveau site, pour vous confectionner une collection passionnante pour vos futures plongées ou simplement pour explorer… l’Histoire!
Le Togo était un cargo en acier à propulsion mixte vapeur et voile de 1484 tonnes, qui a été construit en 1882 par les chantiers Thompson & Sons, de Sunderland en Grande Bretagne, pour le compte de la Compagnie Havraise Péninsulaire de Navigation à Vapeur, sise au Havre, sous pavillon français. A son lancement, il portait le nom de Ville de Valence. Mesurant 78 mètres de long pour 10 mètres de large et 5 mètres de tirant d’eau, il était propulsé par une machine à vapeur de 2 cylindres Compound de 208 cv alimentée par une chaudière, pour une vitesse de 10 nœuds sur une hélice à 4 pales. Il portait en outre un gréement de trois mâts goélette.
Au début de sa carrière, le Ville de Valence assurait la ligne de Madagascar pour le transport de fruits. En 1905, le cargo a changé de pavillon lors de son acquisition par la compagnie italienne Becchi & Calcagno, de Savona. Il prit alors le nom d’Amor, jusqu’en 1912 où il fut repris par un nouvelle compagnie italienne, la Società Anonima Ilva, de Gênes. Rebaptisé, il prit alors son dernier nom : Togo.
Dans les premières heures du 12 mai 1918, le Togo, chargé de 1800 tonnes de charbon, a été coulé par le sous-marin allemand UC 35 (commandé par le capitaine Hans Paul Korsch), non loin du cap Lardier, dans des circonstances qui laissent encore planer un doute sur la nature de l’attaque : la version la plus communément admise est que le cargo aurait touché une mine en cherchant refuge dans la baie de Cavalaire, alors que les archives allemandes soutiennent la thèse du torpillage, qui s’est produit deux heures après celui d’un autre vapeur, le Pax, qui faisait partie du même convoi. Le naufrage du Togo a fait une victime, tandis que les 20 autres membres de l’équipage ont pu regagner la côte.
Que s’est-il passé 12 mai 1918 ? Le Togo faisait partie d’un convoi de 5 bâtiments escortés par 3 chalutiers patrouilleurs allant de Marseille à Villefranche. Les bâtiments étaient : le Pax, un vapeur français de 798 tonnes, armé d’un canon ; le Togo, cargo italien de 1484 tonnes dont il est question ici, qui n’était pas armé ; suivaient le cargo hollandais Vosbergen de 1437 tonnes, le cargo grec Erissos de 2885 tonnes et le Castore, vapeur italien de 1016 tonnes. Les 3 chalutiers escorteurs étaient le Serpollet, le Louise Marguerite et le Ailly.
Vers 2 heures du matin, le cargo Pax de la Compagnie des Affréteurs Réunis, a été torpillé de nuit à 2 milles au sud du Cap Camarat par le sous-marin allemand UC 35. On comptera 15 disparus sur 30 hommes d’équipage. Le second navire du convoi, l’italien Togo sera coulé par le même U-Boot (ou l’une de ses mines), durant la même nuit.
Longtemps il fut admis qu’à la suite du torpillage du Pax, le Togo qui le suivait s’était dérouté pour chercher refuge dans la baie de Cavalaire, pendant que le reste du convoi continuait vers sa destination. Alors qu’il s’approchait des côtes pour essayer d’échapper au sous-marin, le cargo aurait finalement touché une mine de 150 kg mouillée par ce même sous-marin.
Si l’on en croit les archives allemandes, la version est différente : le Dimanche 28 avril 1918 dans l’après-midi, le sous-marin UC 35 commandé par l’Oberleutnant zur See Hans Paul Korsch a pris la mer depuis sa base de Cattaro (aujourd’hui Kotor, au Montenegro) à destination de la Méditerranée occidentale. Son ordre de mission prévoyait de mouiller deux barrages de mines, l’un devant Cannes, l’autre devant Villefranche sur Mer, à la suite de quoi il devrait procéder à des attaques contre les convois alliés. Le 5 Mai, les mines étaient mouillées comme prévu et le sous-marin passa à la seconde phase de sa mission : la chasse aux bateaux de commerce au large des côtes. Le 9 mai au large de Saint-Tropez, le sous-marin coulait le vapeur italien Deipara, un cargo de 2282 tonnes qui faisait route de Marseille vers l’Italie. Huit marins trouvèrent la mort dans le naufrage.
Puis l’ UC 35 longea les côtes jusqu’à cette fameuse nuit du 11 au 12 Mai. Appareillé de Marseille la veille, le convoi dans lequel avaient pris place le Pax et le Togo, a été repéré en début de nuit par le sous-marin qui l’a pris en chasse. La mer était calme sous un ciel couvert. En position de tir, l’UC 35 s’attaqua au premier navire de la colonne, le Pax qui fut coulé en quelques minutes au moyen d’une seule torpille. A deux heures du matin, une grande partie de l’équipage dormait et fut surpris par le naufrage dans son sommeil, ce qui causa la perte de la moitié de ses marins. Deux heures plus tard, l’UC 35 repéra un second cargo qui s’enfuyait vers la côte pour se mettre à l’abri. C’était le Togo, mis en alerte après le naufrage du Pax juste devant lui. L’UC 35 prit en chasse cette cible très facile, car le vapeur était éclairé par le phare du cap Camarat à chaque fois que le faisceau lumineux passait sur lui. Peu avant 4h du matin, une torpille explosait contre l’arrière du cargo qui, littéralement coupé en deux, sombra rapidement. L’UC 35 remit alors le cap vers le large sans retrouver le reste du convoi.
Les différents rapports de mer établis par les officiers des navires du convoi sont éloquents quant au déroulé des événements. Un passage du rapport de l’Officier en Second du Pax évoque son torpillage, vu depuis la passerelle du cargo français : « (…) le ciel est couvert, la mer belle, une légère brise de sud-est règne, l’horizon est embrumé, le convoi est à peine visible sauf un bateau Italien qui se trouve entre la terre et nous (le Togo – NDLR) ; ce dernier éclairé par le feu de Camarat se distingue très bien et chaque fois que le faisceau lumineux passe vers nous, il semble que nous sommes éclairés par un projecteur électrique.
A 1h55, je me trouve sur la passerelle bâbord et j’entends distinctement deux sons brefs paraissant venir de tribord avant. Après être passé à tribord pour m’assurer et ne voyant rien, j’ordonne au timonier de venir sur la gauche et pour plus de sûreté instantanément je préviens le Capitaine qui sommeillait sur son canapé dans sa chambre située sur l’arrière de la chambre de veille.
Aussitôt rendu à tribord le Capitaine ayant reconnu une torpille et après l’avoir prononcé à haute voix, commande aussitôt “bâbord toute”, commandement exécuté à la lettre, mais quelques secondes s’écoulent à peine, un choc formidable se produit à tribord avant et à quelques mètres sur l’arrière de la hauteur du mât de misaine… »
Le rapport du chalutier Louise-Marguerite, commandé par l’enseigne de vaisseau Marius Alphonse Lardier, qui a effectué le sauvetage des marins du Pax, donne une chronologie précise des événements de cette nuit fatidique :
« Journée du 11 mai 1918. 12h30 – Appareillé de Marseille pour Villefranche avec un convoi formé du vapeur Pax (F), Erissos (G), Togo (I), Vosbergen (NL), Castore (I), escorté de la Louise-Marguerite, Ailly et Serpollet.
13h05 – Franchi les barrages.
13h10 – Stoppé pour attendre la formation du convoi.
13h10 – Jeanne-d’Arc à Louise-Marguerite : ” Connaissez-vous le nom du vapeur français? ” Réponse : ” Pax. “
13h35 – Remise en route avec convoi.
13h40 – Suivi le chenal de sécurité.
14h30 – Route au Sud 40 E.
17h50 – Louise-Marguerite au convoi : ” T.U.G. Conserver la formation. “
19h40 – Par le travers de Sicié.
21h45 – Travers du Cap d’Armes.
24h00 – Vitesse moyenne de 20 h. à 24 h. (85 tours).
Journée du 12 mai 1918. 0h05 – Par le travers de Litan.
1h35 – Le vapeur français Pax est torpillé à 300 m de nous à bâbord avant. Mis nos embarcations à l’eau pour ramasser les survivants. Recueilli 15 hommes.
2h05 – Remis en marche. Avons croisé sur les lieux. Repris l’escorte.
5h00 – Louise-Marguerite au [Torpilleur] 360 : ” Il manque le vapeur italien Togo. Trois mâts, une cheminée. Je pense qu’il a dû se réfugier près de la terre. “
5h10 – Torpilleur 360 à Louise-Marguerite : ” Le Pax est-il coulé ? ” Réponse : ” Il a coulé. J’ai des survivants à bord. “
5h15 – Torpilleur 360 à Louise-Marguerite : ” J’ai vu un sillage suspect ce matin à la Garoupe. “
5h35 – Torpilleur 360 à Louise-Marguerite : ” J’estime pour le moment utile de protéger la tête de votre convoi. “
6h20 – Louise-Marguerite répond : ” Faites des zigzags sur l’avant de la route. “
6h30 – Louise-Marguerite à Ailly : ” Répétez les signaux ; placez-vous à bâbord par le travers. Quand le convoi sera chenal de sécurité à Villefranche, allez à la recherche du Togo qui doit avoir fait la route entière et ramenez-le à Villefranche. Transmettez cet ordre au Serpollet. “
9h10 – Louise-Marguerite à Ailly : ” Avant de partir rechercher Togo, informez-vous près arraisonneur si ce bâtiment n’est pas entré à Villefranche. “
9h20 – Franchi les passes de Villefranche.
9h25 – Mouillé sur rade de Villefranche. »
Le Togo ne fut jamais retrouvé par les navires partis à sa recherche. Concernant la disparition du cargo italien, le rapport du Louise Marguerite donnait des précisions sur ce qui avait été constaté après le naufrage du Pax :
« Louise Marguerite était près du Pax, à 500 m sur la hanche bâbord. Togo était par le travers bâbord de Louise Marguerite à 300 m. On voyait le 2e bateau de la 2e ligne et les autres étaient assez éloignés pour qu’on ne les voit que par moments. La nuit était très noire, mais le convoi était assez bien groupé.
Au moment du torpillage de Pax, Togo est venu en grand sur la gauche et l’autre bateau a continué sa route. Le reste du convoi, que nous n’avons pas vu passer pendant que nous opérions le sauvetage des naufragés, a dû aussi continuer puisqu’au jour, nous les avons trouvés groupés.
Serpollet nous a rejoints sur le lieu du torpillage 15 minutes après l’explosion. Le commandant de Louise Marguerite lui a dit de croiser sur les lieux pendant 20 minutes, et de rejoindre ensuite le convoi. Louise Marguerite est reparti à la suite du convoi dès que le sauvetage a été terminé. Un peu avant le jour, nous arrivions au contact du convoi et nous n’avons alors vu que trois bateaux. Le commandant de Louise Marguerite, constatant qu’il manquait Togo, a envoyé le torpilleur T 360 à sa recherche. »
Le torpilleur T 360, parti de Nice le 12 mai à 8h30 du matin, effectua l’itinéraire en sens inverse, mais ne trouva aucune trace du Togo.
Le sous-marin UC 35 n’allait pas survivre bien longtemps à son acte puisque 5 jours plus tard, le 17 mai il était à son tour envoyé par le fond au sud-ouest de la Sardaigne par l’Ailly, escorteur qui avait participé à la protection du convoi du Togo. Avec le sous-marin 20 hommes dont le commandant disparaissaient, 5 étaient sauvés.
Si le Pax a coulé dans une zone non accessible, par plus de 1000 mètres de fond, le Togo qui s’était rapproché de la côte, se trouve désormais à portée des plongeurs. Cinquante neuf ans plus tard, en 1977, un plongeur biologiste l’a retrouvé. En mai 1986, le Togo a fait l’objet d’une mission du navire océanographique Nadir, mission préparée par l’Ifremer qui a utilisé la soucoupe Cyana pour la circonstance.
Aujourd’hui, le Togo reste l’une des plus belles épaves de la côte Méditerranéenne, très spectaculaire avec son manteau de gorgones rouges et sa faune extrêmement riche. Le site de plongée est à l’abri de la plupart des vents dominants et constitue donc une plongée fiable, mais profonde. L’épave est séparée en deux parties. La plus grande partie, sur les deux tiers avant, se trouve à une profondeur de 55 mètres, à environ 500 mètres de la pointe du Brouis et tout près d’une autre épave, le torpilleur T 178, aux coordonnées : latitude 43° 10’ 13 N et longitude 6° 35’ 63 E. La partie arrière du Togo quant à elle, se trouve un peu plus au large, par 65 mètres de fond, aux coordonnées : latitude 43° 09’ 97 N et longitude 6° 35’ 65 E.
Fantôme sombre et inquiétant dont les contours se précisent au fur et à mesure de l’approche, l’épave apparaît comme par magie au plongeur qui se pose doucement sur son pont. Et il s’agit bien là de magie tant cette épave est belle ! Ses flancs recouverts d’immenses gorgones offre un spectacle saisissant. Une bonne partie des superstructures métalliques est encore en place et il est possible de passer le long de ce qui furent les coursives. Une plongée magnifique, à réserver aux plongeurs confirmés.
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