Chaque jour, une épave : 1er mars 1778, le Duc de Choiseul et son équipage ivre

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Chaque jour, découvrez dans www.plongee-infos.com l’histoire d’une épave, coulée à la même date par le passé, quelque part près des côtes françaises ou ailleurs dans le monde, déjà explorée… ou pas ! Vous retrouverez ainsi quotidiennement un nouveau site, pour vous confectionner une collection passionnante pour vos futures plongées ou simplement pour explorer… l’Histoire!

Le Duc de Choiseul était un brick de 120 tonneaux, armé de 6 canons, mené par un équipage de 28 hommes commandés par le capitaine Morel. On ne connaît pas la date de construction du navire, mais selon son nom, on peut raisonnablement la dater des environs de 1860 ou 1862, puisque Choiseul obtint le titre de Duc en même temps que son poste de Principal Ministre d’Etat en 1758 et prit ensuite les responsabilités de Secrétaire d’Etat à la Guerre et Secrétaire d’Etat à la Marine en 1761.

Le Duc de Choiseul

Le nom de Duc de Choiseul donné au navire avait une raison bien précise : porter le nom d’un haut personnage, en l’occurrence du Ministre de la Marine, pouvait lui attirer les bonnes grâces de la personnalité en question, voire dans ce cas, de l’amirauté… de plus, il semblerait que le capitaine du bateau ait eu des relations privilégiées avec le Duc, avec qui il était en commerce. Le Duc fournissait au capitaine une certaine quantité de pacotilles que celui-ci allait troquer lors de ses escales sur la côte africaine, en échange de quoi le capitaine ramenait des territoires lointains certaines marchandises introuvables en France. Ces trafics se faisaient bien sûr à l’insu des armateurs et permettaient d’arrondir les fins de mois du capitaine.

Ce genre d’arrangements était courant à l’époque : en dehors du transport légitime du fret confié par les armateurs pour le commerce légal, les équipages se livraient à une multitude de contrebandes entre les différents ports où ils abordaient. Sauf que certaines de ces contrebandes étaient « sponsorisées » auprès des capitaines par de riches personnalités qui y trouvaient le moyen de trouver des produits exotiques à moindres frais…

Le Duc de Choiseul était un Brick semblable à celui-ci

Le brick Duc de Choiseul était donc un navire négrier, qui passait son temps entre Dunkerque, son port d’attache, et la côte africaine où il allait de port en port, troquant par ci, achetant par là avant de revendre plus loin, tout en fournissant ou chargeant les cargaisons prévues par l’armateur. Ainsi, lors de son départ de Dunkerque le 4 décembre 1775, le Duc de Choiseul emportait une cargaison très variée, allant de l’eau de vie à la poudre à canon en passant par des barres de fer, du tabac, de la vaisselle, de la verroterie, des tissus, des armes et leurs munitions, de la lingerie et autres savons… Toutes ces marchandises devaient être livrées aux différents comptoirs sur la côte africaine et le bateau devait ramener à son retour, les marchandises fournies par les comptoirs. Et parmi ces « marchandises », des esclaves. Sauf que contrairement à la plupart des négriers, le Duc de Choiseul ne chargeait pas les esclaves en Afrique pour les transporter vers l’Amérique, mais se contentait de les récupérer au gré de ses escales dans les différents pays et de les revendre aux enchères avec une forte plus-value à des « grossistes » qui se trouvaient dans les ports de départ négriers, notamment l’île de Gorée, devant Dakar. Ceux-ci se chargeaient alors de rassembler les différents arrivages, de former des groupes qu’ils répartissaient dans les navires en partance vers les Antilles ou l’Amérique. Ce système évitait au capitaine de traverser l’Atlantique, gagnant ainsi un temps précieux pour ses trafics personnels et avec l’argent de la vente des esclaves, il achetait des marchandises africaines pour le compte de son armateur, moyennant une bonne part pour lui-même et ses « sponsors », comme le Duc.

Le dimanche 1er mars 1778, le brick Duc de Choiseul, de retour des ses pérégrinations sur les côtes africaines, rentrait vers Dunkerque après 26 mois d’absence. Ses cales étaient chargées de marchandises, bois précieux, peaux d’animaux, défenses d’éléphants, or, pierres précieuses, épices,… Au milieu de toutes ces marchandises, se trouvaient deux enfants noirs, enlevés dans un village de Gambie, âgés de 10 et 12 ans. Ces enfants étaient destinés à être « offerts », l’un au Duc de Choiseul lui-même, en remerciement de ses « attentions », l’autre au Premier Chef des Bureaux de la Marine à Paris, pour l’aider à fermer les yeux sur les activités illicites du capitaine. La corruption allait déjà bon train à l’époque…

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Alors qu’il doublait la pointe de la Bretagne par gros temps, le Duc de Choiseul, mal en point, ayant perdu ses ancres et une chaloupe, fut drossé par les courants et une mer forte sur les rochers de la pointe de Carrec ar Mignonec, sur l’île de Sein. Ce passage très dangereux pour les navigateurs recèle déjà un grand nombre d’épaves. Le bateau n’a pas coulé complètement et permit la récupération d’une partie de la cargaison, mais le fond de la coque était fracassé et le bateau irrécupérable.

Les habitants de l’île, menés par le prêtre, se précipitèrent au secours des naufragés et quelle ne fut pas leur surprise de trouver tous les membres de l’équipage, y compris le capitaine, complètement ivres. On apprit plus tard, lors du procès qui s’ensuivit, que le navire avait connu pendant tout son voyage le plus grand désordre, ponctué de plusieurs désertions et mutineries, mettant en cause la férocité et l’alcoolisme du capitaine.

Et les deux enfants ? Les deux jeunes Gambiens furent récupérés par les autorités et conduits… en prison ! Car le capitaine Morel avait enfreint une nouvelle loi datant d’août 1777, promulguée par Louis XVI, qui interdisait l’entrée du Royaume à tous les Noirs, même les domestiques au service d’un Français, les confinant dans l’enceinte des ports avec obligation de retourner vers leurs pays d’origine. Les deux jeunes noirs se trouvant donc illégalement sur le sol français, furent jetés dans des cachots de la prison de Quimper, dans l’attente de leur envoi vers les « colonies ». N’étant pas habitués au climat breton, ni à la nourriture française (surtout celle des cachots) et vu les conditions de leur détention, ils ne tardèrent pas à tomber malades et moururent tous les deux quelques semaines plus tard.

Du bateau, il ne reste plus grand chose, un grosse partie de la cargaison et du bois de l’épave ayant été récupérée par les habitants de l’île de Sein et vendue. Il reste cependant des restes éparpillés, comme en témoigne le récit d’un plongeur qui aurait trouvé dans la zone des défenses d’éléphants il y a quelques années.

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