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Le San Isidor (San Isidro ou San Isidoro) était un vaisseau de ligne de la marine royale espagnole de 45 mètres de long pour 376 tonnes, armé de 64 canons, construit à Guarnizo (Cantabrie, Espagne) en 1730. En 1732 il participa au débarquement de troupes pour la reconquête d’Oran (Algérie) alors aux mains des Ottomans. En 1734 il coula deux corsaires algériens, puis participa aux opérations d’Italie, notamment comme transport de troupes.
En 1721, le capitaine de vaisseau Gilles René de Lage de Cueilly, seigneur du Domaine de Cueilly dans l’actuelle ville de Champigny sur Marne, en région parisienne, reçut les brevets de capitaine de vaisseau, signés de la main du roi. D’une famille de la noblesse proche de la Cour royale, il avait tissé des liens avec la Cour d’Espagne, alliée de la France. Par ses liens espagnols, il reçut le commandement du vaisseau de guerre espagnol de 64 canons le San Isidor par un acte du Roi d’Espagne, le 1er août 1741.
La France et son alliée l’Espagne étaient en guerre contre l’Angleterre et la Hollande. Le San Isidor faisait partie d’une escadre qui livrait combat contre la flotte anglaise en Méditerranée, entre les îles d’Hyères et la Corse. Le 17 février 1743, La situation, déjà compliquée, tourna au cauchemar quand, au cœur de la bataille, les bateaux furent pris dans une forte tempête.
Mis à mal par la tempête, le Saint Isidore tentait d’échapper à la flotte anglaise qui lui donnait la chasse et l’avait fortement endommagé. Poussé par les vents du nord-ouest, le San Isidor arriva en vue des côtes corses, entraînant dans son sillage pas moins de cinq bateaux poursuivants. Le 24 février, le navire espagnol se réfugia dans le port d’Ajaccio, au lieu-dit U Marconajo (actuel port Charles Ornano). Deux navires anglais l’avaient suivi devant Ajaccio et le croyant en trop mauvais état pour se défendre, essayèrent de l’aborder. Se trouvant face à une garnison d’hommes prêts à en découdre, les Anglais durent battre en retraite et se retirèrent sans oser l’attaquer, préférant attendre des renforts.
Le 2 mars 1743, cinq vaisseaux de la flotte anglaise entraient dans la baie d’Ajaccio et venaient se positionner devant la tour Capitello. Le capitaine De Lage sollicita des autorités génoises de la ville le droit de se défendre contre ses ennemis en débarquant son artillerie. Sans attendre, il tira des boulets contre les bateaux de guerre anglais qui s’ancraient de façon à empêcher toute tentative de sortie du Saint Isidore et en bonne position pour le canonner. Ceux-ci ripostèrent et firent débarquer leurs soldats sur la plage, de part et d’autre de la baie, pour venir encercler le bateau espagnol au mouillage. Le San Isidor, ancré à 35 toises (environ 70m) du bord, était une cible facile, depuis la mer comme du bord.
Le commandant de la flotte anglaise envoya au commissaire de la ville d’Ajaccio l’ultimatum suivant : si la ville n’observait pas la neutralité nécessaire, il la bombarderait sans pitié.
Très embarrassé, le commissaire fit la sourde oreille. tâchant de gagner du temps et ne pas prendre parti, il ne répondit ni au capitaine franco-espagnol ni au capitaine anglais, il les laissa régler leurs comptes à coups d’artillerie.
Le combat acharné dura de longues heures. La ville faillit être rayée de la carte. Les Ajacciens assourdis par les bombardements, terrorisés, se mirent à invoquer avec insistance Notre Dame de la Miséricorde devant sa statuette sur la porte de l’église. Ils priaient encore quand la flotte anglaise, cessant le combat, leva les voiles et regagna le large. Le San Isidor avait sombré, sabordé par son équipage qui avait réussi à s’enfuir sur trois chaloupes avant d’être complètement encerclés. Stupéfaits, les Ajacciens rendirent grâce. Puis ils se précipitèrent pour secourir les Espagnols blessés, vaincus, qui avaient préféré sacrifier leur navire plutôt que de se rendre. C’est pourquoi la flotte anglaise s’était retirée, estimant la bataille navale gagnée. Beaucoup de ces marins espagnols, bien soignés et bien accueillis, se fixèrent dans la région d’Ajaccio, y fondèrent foyer et trouvèrent du travail.
Par la suite, le 26 octobre 1743, le capitaine De Lage est retourné à Toulon, où il est passé en Conseil de Guerre, pour y examiner sa conduite, et à la fin des procédures il fut constaté qu’il ne portait pas de responsabilité dans la perte de son navire devant la supériorité numérique écrasante de l’ennemi.
Pas facile aujourd’hui de retrouver des vestiges du San Isidor, tellement la configuration du port d’Ajaccio a évolué en presque trois siècles. L’emplacement se trouve approximativement au bout de la jetée du port de plaisance Charles Ornano, dans quelques mètres d’eau, mais certainement envasé. Une prospection facile, à partir du bord, pourrait y être menée, en prenant garde à la navigation…