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A la fin du XIXème siècle, deux sociétés britanniques proposaient des voyages depuis les ports du sud de la Grande Bretagne vers les îles Anglo-Normandes. Ces sociétés, la London and South Western Railway et la Great Western Railway, se livraient une concurrence effrénée pour desservir les îles anglo-normandes de Jersey, guernesey et aurigny. Celles-ci n’étaient qu’à quelques heures de traversée et chaque minute comptait pour pouvoir distancer le concurrent. Aussi on fabriquait des navires de plus en plus rapides dans l’espoir de griller le voisin car celui qui arrivait le premier restait maître du marché.
En septembre 1890, la London and South Western lançait le Stella, construit aux chantiers Thomson à Glasgow. Il était le troisième bateau d’une même série après le Frederica et le Lydia. Il mesurait 77mètres de long et dix mètres de large, pour un tirant d’eau de 4 mètres. Ses deux machines à vapeur de 3 cylindres à triple expansion de 720 cv, entraînaient ses 2 Hélices en bronze de 3.3m de diamètre et propulsent le navire à près de 20 nœuds, une vraie performance pour l’époque, ce qui en faisait le bateau à passager le plus rapide de sa catégorie. Il était commandé par le capitaine William Reeks. Celui-ci connaissait bien le trajet de Guernesey pour l’avoir fait régulièrement depuis plusieurs années.
Mais faire la course avec les bateaux concurrents pour gagner de la clientèle n’était pas sans risque. Jusqu’en 1899 il n’était pas rare que des bateaux des deux compagnies soient impliqués dans des accidents ou des manœuvres dangereuses.
Le 30 mars 1899, le Stella quitta Southampton pour St Peter Port, Guernesey, avec 147 passagers et 43 membres d’équipage. Beaucoup de passagers se rendaient aux îles anglo-normandes ou y retournaient pour des vacances de Pâques.
Le Stella a quitté Southampton à 11h25 avec 10 minutes de retard. Dix minutes, ce n’est pas beaucoup, mais dans la guerre que se livraient les deux compagnies, c’était catastrophique car cela donnait un avantage non négligeable au concurrent. C’était le premier voyage de la saison et on devait montrer les performances de la compagnie.
Après avoir passé les Needles qui marquent l’entrée en plaine mer, le Stella a pris sa vitesse maximale et a traversé la Manche à toute vitesse, espérant rattraper son retard. Quelques bancs de brouillard ont été rencontrés, mais le temps comptait et le navire ne ralentissait pas. En approchant des îles anglo-normandes, le Stella a rencontré une nouvelle nappe de brouillard très dense, mais la vitesse n’a toujours pas été réduite et le navire continuait sa course à toute allure. Peu avant 16h00, le signal de brume du phare des Casquets a été entendu et les rochers de l’îlot sont apparus directement droit devant. Le capitaine Reeks a ordonné à la salle des machines de battre en arrière et a a ordonné de virer de bord pour tenter d’éviter les rochers. Le Stella a frotté le long de deux rochers, réussissant tout juste à éviter le choc de plein fouet, mais le fond de sa coque a été déchiré par un récif de granite submergé. Pire, le navire avait pris tellement de vitesse qu’il ne s’arrêta pas, réussit à passer la barre de rocher et se retrouva de l’autre côté, en eaux profondes. Ce qui n’arrangea pas les affaires du capitaine car si le bateau était resté planté sur les rochers, il n’aurait pas coulé directement et l’on aurait eu le temps d’évacuer les passagers.
Hélas, se retrouvant en pleine eau avec la coque déchirée, le Stella a coulé en à peine 8 minutes. Quatre canots de sauvetage ont été lancés avec succès, tandis qu’un cinquième a chaviré. Le protocole habituel en cas de naufrage, les femmes et les enfants d’abord, a été respecté, sauf une femme qui devint une héroïne pour son acte, mais à titre posthume : une hôtesse, Mary Ann Rogers, a enlevé son gilet de sauvetage pour l’offrir à un passager et a refusé une place dans un canot de sauvetage. Elle a ensuite été emportée avec le navire quand il a sombré.
Le canot de sauvetage qui avait chaviré a été plus tard redressé par une vague et 12 personnes ont réussi à s’y réfugier. Quatre d’entre elles sont mortes pendant la nuit qui suivit, où les canots erraient sur la mer en attendant l’arrivée d’éventuels secours. Les huit survivants restant ont été sauvés par le remorqueur naval français le Marsouin.
Deux autres canots ont été aperçus à 07h00 le 31 mars par un bateau de la compagnie de navigation LSWR Vera. Ils ont été récupérés et déposés à St Helier, sur l’île de Jersey. Les deux derniers canots, avec 24 survivants à bord de l’un, et 13 survivants à bord de l’autre, ont été pris en charge par le navire à vapeur Lynx de Great Western Railway (le concurrent) qui arrivait de Weymouth à St Peter Port.
En tout, 86 passagers et 19 membres d’équipage sont morts dans le naufrage, dont le capitaine Reeks. Parmi les officiers, seul le second officier Reynolds survécut au naufrage.
L’épave du Stella a été découverte en juin 1973 par deux plongeurs des îles Anglo-Normandes. Elle se trouve à 49 mètres de fond, au sud des Casquets, aux coordonnées : latitude 49° 42’ 707 N et longitude 2° 23’ 490 W. Pendant plus de 70 ans, personne n’avait réussi à la retrouver, jusqu’à la découverte fortuite des deux plongeurs. Le Stella est posé debout et pratiquement intact. Quelques objets ont été remontés, dont sa cloche, pour être exposés au Castle Cornet Museum, à Guernesey.
Lien vers vidéo Youtube réalisée par John Paul Fallaize :