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Le Rubinstein était un cargo à vapeur anglais en acier, de 91 mètres de long pour 12 mètres de large et 6 mètres de tirant d’eau, jaugeant 2469 tonnes. Il était propulsé par une machine à vapeur à triple expansion de 238 cv. Il a été construit en 1889 par les chantiers Bartram & Haswell, de Sunderland en Grande Bretagne pour le compte de la compagnie Taylor Jennesen & Co, de Londres. Il était manœuvré par 23 hommes d’équipage, commandés par le capitaine Robert Sawyeur.
A partir de 1890, le Rubinstein fut utilisé sur les lignes européennes, entre la Grande Bretagne, l’Europe du Nord, la Méditerranée et l’Europe centrale. Fin mars 1901, le cargo avait appareillé du port de Novorossisk sur la mer Noire, port qui dessert le sud de la Russie et notamment la ville voisine de Krasnodar. Ses cales étaient remplies de blé en provenance des plaines de Russie, à destination de Rotterdam. Son itinéraire lui faisait emprunter le Bosphore à Istanbul, puis contourner la Grèce et traverser toute la Méditerranée jusqu’à Gibraltar avant de remonter le golfe de Gascogne, puis la Manche. Un long périple que le cargo effectuait habituellement sans grosse difficulté, à une vitesse de 12 nœuds.
Mais ce 5 avril 1901, en approchant de la pointe de la Bretagne, alors que les conditions météo étaient relativement calmes, le Rubinstein se retrouva enveloppé d’une brume épaisse qui lui fit perdre tout repère à la côte. Avançant en aveugle, se fiant uniquement au cap compas, le capitaine ne se rendit pas compte qu’il avait dévié par la force des courants et qu’au lieu de se trouver dans le passage du Fromveur, le navire se dirigeait tout droit vers l’île de Molène, plus à l’est.
À 15h ce vendredi fatidique, le vapeur venait talonner dans le sud-ouest de l’île de Molène, une roche nommée Bazou Losquet (Basse Losquet). Malgré les efforts de l’équipage pour le dégager, les dégâts étaient trop importants et le Rubinstein commença rapidement à donner de la bande. Quand le capitaine vit qu’il n’y avait plus d’espoir de le renflouer, il fit embarquer ses hommes dans les canots du bord, pour rejoindre la terre (l’Ile de Molène toute proche, mais alors hors de vue à cause de la brume). Quant à lui, il décida de rester à son bord jusqu’au dernier moment.
Sur l’île de Molène, on entendit des coups de sifflet de brume répétés du vapeur, et quelques temps après, un marin vint avertir Etienne Gouachet, patron du canot de sauvetage “Amiral Roussin”, qu’un bateau à vapeur était en détresse à la pointe sud-ouest de l’île. Aussitôt l’équipage du canot fut sur le pied de guerre et mit à la mer le canot de sauvetage. Mais la brume était si épaisse qu’on ne pouvait rien distinguer à quelques pas et ce n’est que par la connaissance parfaite du dédale de roches par le patron du canot que les sauveteurs purent rejoindre le vapeur en train de couler.
Quand le canot de sauvetage arriva sur les lieux du sinistre, les marins du navire échoué étaient déjà embarqués dans les trois canots du bord. Ils furent pris en charge par les marins du canot de Molène. Le capitaine du vapeur n’ayant pas voulu quitter son navire avant la fin, ce n’est que le soir, quand le navire commença à se casser en deux, que le canot de sauvetage le ramena à terre sur Molène.
Le lendemain matin, la brume s’étant dissipée, l’on put constater que le cargo s’était cassé par le milieu, et qu’il était en grande partie submergé. Les vagues continuaient leur inexorable travail de destruction et bientôt, il ne resterait plus rien de visible à la surface. Deux jours plus tard, les mâts étaient tombés et toute la partie arrière, séparée de la partie avant, avait déjà coulé au pied de la roche. L’équipage du Rubinstein fut évacué sur Brest, avant d’être rapatrié en Grande Bretagne.
Aujourd’hui les restes du cargo reposent encore au pied de la roche de la Basse Losquet à moins d’une dizaine de mètres de profondeur, aux coordonnées : latitude 48° 22’ 938 N et longitude 4° 58’ 089 W. L’épave est en grande partie disloquée du fait de la faible profondeur, par l’action des tempêtes successives, dans cette zone particulièrement tourmentée, qui ont fait de l’archipel de Molène un impressionnant cimetière de bateaux.