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C’est en 1983 au chantier naval Severnyj que le sous-marin nucléaire soviétique K-278 a été lancé avec pour nom de baptême Komsomolets. A l’époque il s’agissait de l’un des plus grands sous-marins du monde mais son originalité résidait principalement dans sa coque en titane lui permettant d’atteindre l’incroyable profondeur de 1000 mètres. Cette performance le rendait particulièrement difficile à détecter.
D’une longueur de 117,50 mètres, large de 10,70 mètres pour un tirant d’eau de 8 mètres, son déplacement en surface était de 5750 tonnes et son déplacement en plongée de 7810 tonnes. Sa propulsion était assurée par un réacteur nucléaire OK-650 b3 d’une puissance de 190 mégawatts animant deux turbines à vapeur de 45000 CV. Son rayon d’action en plongée comme en surface était illimité. Sa vitesse maximale en surface atteignait 14 nœuds, pour 30 nœuds en plongée. La profondeur de plongée maximale était supérieure à 1000 mètres. Il était armé de 6 tubes lance-torpilles de 533 mm à l’avant et 22 torpilles ou missiles embarqués. Son effectif était de 69 hommes. En août 1984, la marine de guerre soviétique le déclarait officiellement apte au service actif mais le Komsomolets devait subir une longue période d’essais en mer de plusieurs années car il était prévu de construire une série de sous-marins militaires appartenant à cette classe. Les Soviétiques envisageaient aussi de créer une véritable flotte civile sous-marine leur permettant le transport de fret et de passagers sans subir les caprices de la météo et des saisons. En 1988 ce sous-marin était enfin reconnu comme réellement opérationnel.
Le 28 février 1989 le Komsomolets appareillait pour effectuer une campagne. À bord, il y avait le deuxième équipage sous les ordres du Capitaine de vaisseau Evgueni Vanin. Il s’agissait de la première campagne indépendante pour cet équipage formé en 1984.
La tragédie eut lieu le 7 avril 1989, quand le sous-marin naviguait en mer de Norvège, à 180 milles au sud-ouest de l’île Medvejiy (l’île aux Ours). Le sous-marin était à 150 m de profondeur, avec une vitesse proche de 8 nœuds, et regagnait tranquillement sa base. On suppose qu’un incendie survint dans la poupe aux environs de 10h45 et que le feu prit rapidement de l’importance. Pendant 5 heures, les sous-mariniers soviétiques luttèrent avec courage afin de sauver le bâtiment mais malgré leurs efforts, le feu se propagea davantage, augmentant la pression et la température dans les compartiments et altérant l’étanchéité de la coque. Le sinistre eut pour conséquence de créer une voie d’eau qui entraîna la perte du submersible.
Le Komsomolets réussit néanmoins à faire surface dans les jets de vapeur de l’eau de mer au contact des tôles chauffées de l’intérieur par l’incendie. Il a alors pu lancer un SOS pour faire intervenir les secours. La procédure en cas d’avarie de sous-marin en opération fut alors déclenchée et deux navires, le Karabakh et le SB406, furent dépêchés sur les lieux pour porter assistance, mais le Komsomolets se trouvait très loin de sa base, puisqu’il était devant les côtes norvégiennes et les secours allaient mettre du temps à arriver. En attendant, Un avion Ilyushin 38 survolait le Komsomolets. Le bateau usine russe Alexei Khlobystov et le chalutier STR612, se trouvant plus près, à une cinquantaine de milles de distance, furent aux aussi dirigés vers le lieu de la catastrophe.
Des hélicoptères norvégiens auraient pu être sur le lieu de l’accident rapidement et évacuer la totalité des sous-mariniers, de même qu’un garde-côte de la marine norvégienne qui patrouillait au sud de l’Ile aux Ours et aurait pu se rendre assez rapidement sur la zone. Mais le sous-marin nucléaire soviétique était « top secret » et n’avait pas le droit de réclamer de l’aide auprès de pays étrangers, sous peine d’être accusé de trahison…
Le Komsomolets commençant à sombrer, l’ordre d’évacuation fut enfin donné et les survivants se précipitèrent sur le pont, laissant derrière eux de nombreux cadavres de marins intoxiqués par les gaz de l’incendie ou brûlés. Mais nouvelle surprise, les radeaux de survie ne fonctionnèrent pas. Un seul se gonfla mais se retourna, devenant inutilisable. Un autre canot, lâché par l’avion, disparut peu de temps après avec les marins qui s’y étaient accrochés.
Puis le Komsomolets s’enfonça définitivement sous les flots, emportant dans ses flancs incandescents six hommes encore en vie. Ils réussirent à se réfugier dans la capsule de survie prévue dans cette nouvelle génération de sous-marins. Celle-ci s’éjecta alors que le Komsomolets atteignait la profondeur de 600 mètres, tombant littéralement en chute libre vers les abysses. A l’arrivée de la capsule en surface, sur les six hommes un seul était encore en vie, mais mal en point. En surface, c’était le chaos, les survivants nageaient au milieu des cadavres flottant dans une eau à -2°, s’accrochaient aux canots qui tenaient encore.
Le bateau usine Alexei Khlobystov arriva enfin sur les lieux mais ne put sauver que 27 rescapés. Cette tragédie a coûté la vie à 42 sous-mariniers et endeuilla toute la Russie. A la suite de ce naufrage les 69 membres de l’équipage furent tous décorés pour leur courage, mais hélas 42 le furent à titre posthume…
L’épave du Komsomolets gît toujours par 1650 mètres de fond (un peu profond pour une plongée…), près des côtes de Norvège aux coordonnées : latitude 73° 43’ 492 N et longitude 13° 16’ 108 E. Dans ses flancs dort toujours son réacteur nucléaire ainsi que deux torpilles à têtes nuclaires, véritables bombes à retardement…
Dans les années qui suivirent, jusqu’en 1995, un bateau de recherches de l’Académie des Sciences, l’Académicien Mstislav Keldych, équipé de deux petits sous-marins destinés à l’exploration par grande profondeur, les MIR-1 et MIR-2, a effectué plusieurs campagnes d’inspection sur l’épave afin d’évaluer les dégâts, déterminer les causes de l’incendie et mesurer la radioactvité. D’énormes plaques de titane furent soudées pour obstruer tous les orifices et étanchéifier la coque, de façon à protéger les têtes nucléaires de la coorosion de l’eau de mer. Différents appareils de mesure ont été disposés pour contrôler les données de l’évolution du Komsomolets et devaient être visités régulièrement pour relever les données. Mais en 1995, les équipages des MIR-1 et MIR-2 ont constaté que les appareils de mesure avaient disparu, visiblement démontés avec soin, on ne sait par qui…
Découvrez l’article complet et détaillé sur le déroulement de la catastrophe du Komsomolets, heure par heure, racontée par Jean-Louis Maurette d’après les témoignages des survivants (rubrique Epaves). Un récit qui vous glace le sang !