Par Paul Poivert
En vidéo sous-marine, comme en terrestre, on a souvent tendance à oublier que l’élément indispensable pour obtenir une belle image est… la lumière. En vidéo numérique, le besoin en éclairage est différent de la photo. Quand doit-on éclairer? avec quelle puissance? Comment doit-on disposer les éclairages? Quelle autonomie? Autant de questions fréquemment posées par les amateurs. la réponse est simple… Ca dépend !
Pour filmer sous l’eau, est-il nécessaire d’utiliser un éclairage ? Cette question peut paraître saugrenue, mais en fait elle résume parfaitement l’évolution du matériel. Il y a encore peu, du temps du super 8 ou des camescopes VHS, on aurait répondu oui sans hésiter. La sensibilité des supports était tellement faible qu’il était essentiel d’améliorer la luminosité avec des phares. On se trouvait dans la même problématique que la photo argentique par rapport à la photo numérique. Aujourd’hui, la vidéo numérique offre d’intéressantes possibilités et filmer sous l’eau impose beaucoup moins de contraintes.
La sensibilité extraordinaire des capteurs permet de filmer sans problème dans une pénombre supérieure à une scène qui serait éclairée uniquement par une bougie. Sous l’eau, cela se traduit par une possibilité de filmer en numérique sans éclairage dans toute la zone allant de la surface à 20/25 m, pour peu que l’eau soit claire et laisse passer la lumière du jour. Entre 0 et 6 mètres, la lumière naturelle suffit ; au-delà de 7 à 8 m, l’utilisation d’un filtre rouge ou orange permet de compenser la perte des couleurs chaudes.
Dans quelles conditions se passer d’éclairage ? Généralement, avec les camescopes numériques modernes, quand l’œil voit le sujet, la caméra peut l’enregistrer.
De nuit, de jour… et de près
Généralement on admet la nécessité d’utiliser un éclairage pour filmer la nuit ou dans un espace sans lumière (intérieur d’épave, grotte…). Mais ce n’est pas tout, un éclairage artificiel peut être judicieux afin de retrouver les couleurs chaudes quand on tourne des plans rapprochés, par exemple le long d’un tombant pour surprendre la faune embusquée dans les failles et les trous. Si la dominante bleue ne pose pas trop de problème dans les scènes d’ambiance où l’on voit un paysage très large et lointain, il vaut mieux retrouver les vraies couleurs dès que le sujet filmé est proche. Une image colorée et bien éclairée capte mieux l’attention du spectateur.
Dans la zone s’étendant au-delà des 20/25 mètres, un éclairage devient indispensable car dans la pénombre, l’image perdra beaucoup en qualité et va apparaître très granuleuse. Même si l’on modifie ensuite la lumière par le biais d’un logiciel de retouche, on n’obtiendra pas une image parfaite car on ne pourra pas reconstituer complètement les couleurs et les contrastes.
L’éclairage pour le premier plan…
Il est évident (mais rappelons-le quand même…) que les phares que l’on va utiliser, aussi puissants soient-ils, ne pourront pas éclairer l’ensemble du paysage sur une grande distance. Sous l’eau, la lumière fournie par un phare de 100 w sera visible sur le film jusqu’à deux ou trois mètres seulement. Inutile donc d’essayer d’éclairer la raie qui passe à 30 mètres ou le beau récif qui se déroule dans un superbe panorama s’enfonçant dans le lointain… De plus, l’utilisation d’une source d’éclairage artificielle, si elle éclaire le premier plan, a tendance à assombrir l’arrière-plan, du fait de la différence de luminosité perçue par le capteur, qui a tendance à augmenter le contraste. Ce phénomène est normal, puisque la cellule se règle sur la lumière qu’elle reçoit du premier plan, alors que l’arrière-plan, qui ne reçoit pas la lumière du phare, sera forcément plus sombre. Cette règle est aussi valable en photo, c’est pourquoi, notamment en macro, l’arrière-plan (s’il est visible) est toujours très sombre, mettant de ce fait le sujet en valeur. Mais si ce fait est intéressant pour la macro, il est plus problématique en ambiance où il faut composer et trouver un équilibre entre l’éclairage artificiel du premier plan et l’éclairage naturel du reste de l’environnement.
Cela donne le même effet que quand on photographie un paysage lointain avec un flash. C’est souvent le cas devant les monuments : observez le nombre de touristes qui sortent leur compact et qui mitraillent la Tour Eiffel de nuit avec leur petit flash qui porte dans le meilleur des cas à 5 mètres. Résultat, ils ont une jolie vue du trottoir devant eux alors que la Tour est carrément noire…
Dans le cas d’une prise de vue en plan large (paysage sous-marin), l’éclairage sera utilisé pour éclairer et raviver les couleurs d’un premier plan, qui donnera un bon contraste avec le reste du paysage plus lointain, si celui-ci reçoit suffisamment de lumière solaire. En grotte, on peut demander à un coéquipier de s’avancer et d’éclairer les parois reculées avec son phare. Le résultat est spectaculaire.
L’angle d’éclairage
De près comme de loin, selon que l’on filme un sujet en plan large ou bien un panorama, chaque éclairage doit remplir deux conditions : Un faisceau large avec un angle d’ouverture supérieur à 100° et une lumière homogène avec un verre dépoli. La largeur de l’angle est importante, car si la surface couverte par la caméra est supérieure à la surface éclairée, on va retrouver sur le film un effet de « vignettage » : les bords de l’image seront sombres. Ce problème se rencontre de plus en plus souvent, depuis l’arrivée sur le marché des mini-caméra de type GoPro, dont l’angle de prise de vue est très large (170° en terrestre, près de 130° en sous-marin). Il peut être alors nécessaire de recourir à deux éclairages, afin de couvrir toute la surface filmée. Attention dans ce cas à orienter les deux éclairages de façon à ce qu’ils ne se chevauchent pas au milieu, risquant alors de créer une zone plus éclairée au centre de l’image…
Si vos éclairages ne sont pas assez homogènes (ils brûlent l’image, et la caméra est difficile à régler), à défaut de changer vos éclairages, vous pouvez soit fixer un filtre dépoli (qui présente l’avantage de diffuser et adoucir l’éclairage), soit (plus économique) un fixer sur les phares une feuille de papier calque qui aura le même effet.
Quelle puissance ?
Pour la prise de vue très proche (macro), il n’est pas nécessaire d’avoir une forte puissance. Le faisceau doit être très large et homogène, sans point plus lumineux.
Pour éclairer un plan serré (macro), organisez vos éclairages (50 Watts chacun) autour de votre sujet. Imaginez que vous êtes en studio : les projecteurs sont disposés de part et d’autre de la scène ; il en va de même sous l’eau où les phares seront de chaque côté de l’image, sous un angle important pour faire ressortir les reliefs. Tamisez la lumière au maximum afin de ne pas surexposer l’image. N’oubliez pas l’arrière plan. L’idéal étant un plongeur passant dans le bleu en arrière plan. Chaque éclairage doit être monté sur des petits pieds lestés, ou des piquets si vous êtes sur du sable, ou encore au bout de longs bras repliables fixés sur la platine de la caméra. Posez votre caméra pour tourner, afin déviter une image dansante qui va donner le mal de mer aux spectateurs…
Pour les plans larges dans lesquels on va inclure le paysage environnant et l’ambiance générale, si l’on peut se contenter d’une puissance de 100w (ou 2 x 50w), c’est avec 200w (ou 2 x 100w) que l’on pourra obtenir l’efficacité maximale.
Si l’on dispose d’un assistant (ou un co-équipier de bonne volonté…), on peut partager l’éclairage de façon à avoir une partie solidaire de la caméra et une partie plus écartée. En général, on dispose un tiers de la puissance maximale sur la caméra, l’assistant se chargeant des deux tiers restant qu’il devra braquer vers le sujet filmé, mais sous un angle différent de la caméra. Par exemple, on peut fixer un éclairage de 100w sur la caméra alors que l’assistant portera un éclairage de 200w. On peut aussi envisager de confier une puissance plus importante à l’assistant, qui devra alors s’éloigner et trouver une position où la lumière parviendra de façon diffuse et avec un angle suffisant pour donner du relief au sujet. Votre image n’en sera que plus intéressante. Attention toutefois, l’utilisation d’un assistant éclairagiste impose une bonne synchronisation entre celui-ci et le cadreur : le faisceau lumineux doit porter exactement sur la zone couverte par la caméra et doit rester immobile ; il n’y a rien de plus disgracieux sur un film que de voir des mouvements lumineux intempestifs…
Le défaut majeur des vidéastes sous marins est de garder la caméra. C’est une erreur ! Si vous voulez avoir un bon éclairagiste, et si vous voulez bien filmer, inversez régulièrement les rôles. Ainsi l’éclairagiste saura intuitivement ce que vous filmez et l’éclairage que vous attendez…
LED ou halogène ?
La lumière doit être la plus blanche possible, ne doit pas laisser apparaître de point lumineux plus important au centre. Si les halogènes ou les phares HID remplissent correctement ce rôle (à condition d’avoir de bonnes paraboles), la nouvelle génération d’éclairages LED est proprement miraculeuse. Les LED, que l’on peut multiplier à volonté pour obtenir un éclairage extrêmement puissant, délivrent une lumière très blanche. On obtient un faisceau large et homogène. L’autre avantage des phares LED est l’importante autonomie. Pour obtenir une lumière d’une puissance équivalente aux autres types d’éclairage, les LED ne consomment que très peu de puissance. On obtient ainsi, avec des batteries plus petites et compactes, une autonomie de plusieurs heures alors que la plupart des halogènes ne dépassent pas 30 minutes.
Ce gain d’autonomie est intéressant quand on est en croisière et que l’on ne peut pas recharger les batteries entre deux plongées. D’autant plus que les batteries des phares LED se rechargent beaucoup plus vite que pour les halogènes…