Protection de requins et des raies : les engagements ne sont pas tenus

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Un nouveau rapport montre que la majorité des pays manque aux engagements pris pour protéger les raies et les requins. Les défenseurs de l’environnement mettent en évidence une série de défaillances à l’occasion des réunions sur les requins de la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage

Monaco, 13 décembre 2018. La majorité des pays ne se montre pas à la hauteur des engagements pris en matière de protection des raies et des requins dans le cadre de la Convention sur la conservation des espèces migratrices (CMS), comme l’expliquent les défenseurs de l’environnement. Une analyse exhaustive publiée aujourd’hui par Shark Advocates International (SAI), Sharks Ahead, examine des mesures nationales et régionales prises pour 29 espèces de raies et de requins inscrites à la CMS entre 1999 et 2014. Lors d’une réunion de la CMS dédiée aux requins cette semaine, les auteurs présentent leurs conclusions et demandent que des mesures soient prises au plus vite pour :

  • Éviter l’effondrement des populations de requins-taupes bleus et de requins-taupes petits ;
  • Lever le risque d’extinction pour les poissons-scies ;
  • Limiter les captures de requins-marteaux en danger d’extinction ;
  • Envisager l’écotourisme comme alternative à la pêche des raies mantas;
  • Rapprocher les autorités en charge de la pêche et celles en charge de l’environnement.

« Nous démontrons que l’inscription d’espèces de raies et de requins à la CMS est plus rapide que la mise en œuvre des engagements correspondants qui sont pourtant cruciaux si l’on veut protéger ces espèces – en particulier contre la surpêche », déclare une des auteures du rapport, Julia Lawson, doctorante de l’université de Californie à Santa Barbara et membre de SAI. « Seuls 28 % des pays respectent l’ensemble des obligations de stricte protection des espèces présentes dans leurs eaux que leur impose la CMS. » 

Ce schéma statistique montre que sur 1038 espèces de requins et de raies étudiées, près d’un quart sont menacées d’extinction et les trois quarts restant montrent des populations en quantité insuffisantes.

Les raies et les requins sont vulnérables par essence et particulièrement menacés. Un grand nombre d’espèces sont pêchées dans plusieurs juridictions à la fois : les accords internationaux jouent par conséquent un rôle essentiel pour la santé de la population. La CMS est un traité international destiné à protéger les animaux qui vivent dans de vastes aires de répartition. Les 126 parties à la CMS se sont engagées à protéger strictement les espèces inscrites à l’Annexe I, et à œuvrer sur la scène internationale en vue de protéger celles inscrites à l’Annexe II.  

« L’inaction des États membres gâche le potentiel de ce traité international pour une meilleure protection des raies et des requins dans le monde, à l’heure même où certaines espèces sont proches de l’extinction », déclare Sonja Fordham, une des auteures du rapport et présidente de Shark Advocates International. « La pêche est la principale menace qui pèse sur les raies et les requins ; elle doit être abordée de façon bien plus frontale si l’on veut assurer un avenir meilleur pour ces espèces vulnérables et précieuses. »

Les problèmes qui persistent pour les raies et les requins inscrits à la CMS et qu’il convient de résoudre au plus vite sont les suivants :

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Les requins-taupes bleus et requins-taupes petits de l’Atlantique sont au bord de l’effondrement : Le requin-taupe bleu a été inscrit à l’Annexe II de la CMS il y a dix ans. La population de l’Atlantique nord est aujourd’hui épuisée et sa surexploitation se poursuit malgré une mesure prise par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA) en 2017 pour imposer l’arrêt immédiat de la surpêche. Environ la moitié des parties à la CICTA sont également parties à la CMS, pourtant aucune n’a suivi ni même publiquement appelé à suivre les conseils des scientifiques pour l’interdiction de la rétention des requins-taupes bleus et requins-taupes petits de l’Atlantique nord et/ou pour la limitation des captures dans l’Atlantique sud. En tant que parties à la CMS responsables d’importants débarquements de requins-taupes bleus et requins-taupes petits, l’Union européenne et le Brésil devraient prendre la tête des efforts visant à poser des limites concrètes de capture des requins-taupes bleus et requins-taupes petits, d’une part pour l’Atlantique nord, d’autre part pour l’Atlantique sud.

Les poissons-scies sont menacés d’extinction : Les poissons-scies sont les plus menacées de toutes les espèces de raies et de requins. Le Kenya a proposé et obtenu l’inscription des poissons-scies à l’Annexe I de la CMS en 2014, mais n’a pas rempli l’obligation correspondante consistant à adopter des mesures rigoureuses de protection nationale. Les poissons-scies sont en très grand danger d’extinction au large de l’Afrique de l’Est. Le Kenya a besoin au plus vite d’une aide pour l’adoption et la mise en œuvre de mesures de protection des poissons-scies, tout comme le Mozambique et Madagascar. 

Les requins-marteaux en danger d’extinction continuent à être pêchés. Les requins-marteaux halicornes et les grands requins-marteaux sont classés par l’UICN comme espèces en danger à l’échelle mondiale, mais sont pourtant encore exploités dans de nombreuses régions du monde, dont une grande partie de l’Amérique latine. Les tentatives de protection des requins-marteaux inscrits à l’Annexe II par l’intermédiaire de l’organisation régionale de gestion des pêches pour le Pacifique tropical oriental ont, jusqu’ici, été contrariées par le Costa Rica, lui-même partie à la CMS. 

Les bénéfices de l’écotourisme lié aux raies mantas ne sont pas appréciés à leur juste valeur. Les Seychelles se positionnent comme un leader de l’économie bleue. Les raies mantas font partie des espèces les plus populaires auprès des plongeurs et offrent d’excellentes possibilités de retombées économiques non extractives et durables. Les Seychelles, qui sont partie à la CMS, n’ont pas encore protégé cette espèce inscrite à l’Annexe I. D’ailleurs, on trouve encore de la raie manta sur les étals des marchés seychellois, plus de sept ans après cette inscription. 

Les autorités en charge de la pêche et de l’environnement communiquent mal. Dans l’univers de la gestion de la pêche, il est peu tenu compte des engagements en matière de protection des raies et des requins pris dans le cadre de traités environnementaux tels que la CMS. L’Afrique du Sud a établi une procédure formelle de discussion et d’alignement de ces engagements avec les agences gouvernementales compétentes, montrant ainsi un bon moyen de réconcilier ces univers.

En Atlantique, les requins bleus, les requins taupes communs et les requins mako sont les principales espèces exploitées par la pêche. Outre le fait que ces trois espèces sont désormais en danger, ce sont pas moins de 16 autres espèces qui sont aussi vulnérables selon l’ICCAT (International Commission for the Conservation of Atlantic Tunas)

Sharks Ahead couvre les mesures de protection nationale des parties à la CMS pour les espèces de raies et de requins inscrites à l’Annexe I de la CMS avant 2017 : le grand requin blanc, l’ensemble des cinq espèces de poissons-scies, les deux raies mantas, l’ensemble des mobulidés et le requin-pèlerin. Les auteures ont également évalué les progrès régionaux au niveau des organisations de gestion de la pêche pour les raies et les requins inscrits à l’Annexe II pendant cette même période : le requin-baleine, le requin-taupe commun, l’aiguillat commun de l’hémisphère nord, les requins taupes bleus et requins-taupes petits, l’ensemble des requins-renards, deux requins-marteaux et le requin soyeux. 

Parmi les principaux obstacles au respect des engagements pris dans le cadre de la CMS, les auteures citent l’absence de mécanisme permettant de faire respecter les obligations, la confusion quant aux obligations découlant de la CMS, les capacités insuffisantes dans les pays en développement et au sein du Secrétariat de la CMS, et l’absence de critiques précises par les associations de défense de l’environnement. Outre les mesures strictes de protection pour l’ensemble des raies et des requins inscrits à l’Annexe I, les auteures recommandent : 

  • des limites de captures concrètes pour les espèces inscrites à l’Annexe II ;
  • de meilleures données sur les captures et le commerce des raies et requins ;
  • davantage de mobilisation et d’investissement dans les initiatives de la CMS portant sur les raies et les requins ;
  • des programmes de recherche, d’éducation et de contrôle du respect des obligations pour optimiser l’efficacité des mesures ; et 
  • une aide financière, technique et juridique pour aider les pays en développement à respecter leurs engagements. 

Shark Advocates International est un projet à but non lucratif de The Ocean Foundation consacré à la mise en place de politiques fondées sur la science pour les requins et les raies.  www.sharkadvocates.org

Le rapport complet (Sharks Ahead: Realizing the Potential of the Convention on Migratory Species to Conserve Elasmobranchs) est disponible à l’adresse : https://www.globalsharksraysinitiative.org/copy-of-our-partners

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