Par Paul Poivert (MF2/ES1 – Inst CMAS*** – IT TDI/SDI – SSI PRO 5000)
Tous les plongeurs ont un jour ressenti une difficulté au cours de leur formation et se sont posé la question : mais comment font les pros pour être aussi à l’aise ? Nous vous livrons ici l’un des grands secrets des pros : comment consommer peu, être toujours stable, ne pas se vautrer au fond, remonter sans effort, ou encore assister efficacement un compagnon ? Tout est dans la… respiration !
Quand vous voyez évoluer votre moniteur, vous vous sentez les complexes vous gagner… Mais comment fait-il pour être aussi à l’aise ?
Alors que vous labourez le fond, il survole légèrement les coraux ; alors que vous avez un mal fou à vous stabiliser, on dirait qu’il est suspendu à un fil ; quand vous remontez, vous n’en finissez pas de faire le yo-yo alors qu’il est stable comme un roc. Pire, quand vous sortez de l’eau, vous avez extirpé de votre bouteille la dernière molécule d’air, alors que la sienne est à peine à la moitié… Excédé, vous lui posez la question : “mais comment fais-tu?” et la réponse, invariablement accompagnée d’un petit sourire ironique, limite condescendant : “c’est l’expérience…”
Bien sûr, c’est l’expérience, cela va de soi. Mais cela ne suffit pas. J’en connais qui ont fait bêtement du vélo toute leur vie, ils ne sont jamais devenus les égaux des coureurs du Tour de France ! Plonger beaucoup, oui, mais avec sa tête !
L’expérience apporte au plongeur l’aisance et la diminution du stress. Ces facteurs sont très importants, car ils permettent d’assimiler plus facilement l’apprentissage technique. Allez donc demander à un néophyte paralysé par la peur, de lâcher son embout ! Mais ce que devrait vous dire votre moniteur, au moins pendant la formation, c’est quel est le geste technique qui permet d’arriver au résultat escompté. Ensuite, bien sûr, c’est la pratique qui va créer l’automatisme.
Respirer mieux
La respiration est l’élément fondamental de la plongée. Dès la première fois que l’on met la tête sous l’eau, on se rend compte que la respiration subaquatique est complètement différente. D’un phénomène inconscient, elle devient un phénomène conscient, et même actif puisqu’il faut fournir un effort supplémentaire pour expirer, de façon à vaincre les effets de la pression sur les membranes du détendeur. Le rythme et l’amplitude respiratoires sont alors complètement modifiés. Le stress entre lui aussi dans la danse et va provoquer, via un réflexe primaire de survie, une sur-consommation : le plongeur débutant favorise toujours, inconsciemment, l’inspiration et a tendance à garder plus d’air que nécessaire dans ses poumons.
Résultat, le volume pulmonaire est plus important que sur terre, ce qui aura pour effet d’augmenter la flottabilité du plongeur. Celui-ci va s’empresser de compenser cette flottabilité à ajoutant du plomb à sa ceinture. Ainsi, il n’est pas rare de voir des plongeurs bardés du 8, 10, voire 12 kg de plomb, sans quoi ils sont incapables de descendre. Le problème ne vient pas du vêtement isotherme, et encore moins de la densité du corps : tout simplement, notre plongeur respire très mal !
Pour bien respirer, il suffit de garder une amplitude la plus proche de la normale, c’est à dire de la respiration “terrestre”, et surtout de favoriser toujours l’expiration.
Le rythme est le suivant :
– On inspire lentement, sans chercher à remplir complètement les poumons ;
– On reste en inspiration quelques secondes, puis on relâche l’air ;
– on souffle lentement (là, on est obligé de pousser l’air, alors que lors de la respiration terrestre, l’expiration est complètement passive), jusqu’à ce qu’on sente la cage thoracique retrouver son volume minimum ;
– On reste en expiration quelques secondes (un peu plus longtemps qu’à l’inspiration) ;
– Puis on recommence.
Vous pouvez vous entraîner à cette technique respiratoire même hors de l’eau, quand vous marchez dans la rue, quand vous travaillez…
Par cette technique, vous allez modifier des choses fondamentales dans votre comportement de plongeur…
L’autonomie
Le fait de respirer lentement et d’alterner les phases inspiratoires et expiratoires par de brèves interruptions va vous permettre de ralentir considérablement le rythme respiratoire. Vous allez pouvoir constater dès la première plongée, un accroissement considérable de votre autonomie, qui peut rapidement aller du simple au double. Au moins au début, vous devez rester bien conscient de votre nouveau rythme respiratoire, afin de bien le contrôler. Si vous veniez à l’oublier, vous reviendriez automatiquement à vos anciens défauts.
Afin de faciliter ce nouvel apprentissage, essayez de faire le moins possible d’efforts au cours de la plongée, de façon à garder ce rythme très calme. Il est évident qu’il est difficile de garder ce rythme tout à palmant comme un forcené face à un courant violent, ou en remontant l’ancre du bateau à la palme… Le fait de favoriser l’expiration présente un autre avantage bénéfique : on évite ainsi de stocker du gaz carbonique (CO2) dans l’organisme, ce qui est souvent le cas avec une respiration inappropriée et provoque souvent des migraines à la sortie de l’eau. Si tel est votre cas, par cette technique vous allez vous apercevoir que les migraines d’après-plongée vont disparaître.
De même, la pratique de cette technique lors de la remontée et pendant les paliers favorise la décompression par l’expulsion de l’azote : lors de la phase d’expiration prolongée, le déséquilibre des pressions entre les poumons qui se vident et la circulation sanguine permet à l’azote de s’extraire plus aisément de l’organisme.
Le lestage
Là ou l’effet de cette technique respiratoire est le plus spectaculaire, c’est au niveau du lestage : le néophyte surlesté car gardant toujours un volume pulmonaire supérieur à la respiration normale, du fait de la quantité de plomb qu’il transporte, a toujours du mal à se stabiliser. Les variations de poids et de volume sont si importantes au cours de la plongée qu’il est constamment obligé d’actionner son inflateur pour retrouver une stabilité toute relative.
Résultat : un coup il va labourer le fond, un coup il s’envole vers la surface, au grand désespoir de son chef de palanquée !
En favorisant l’expiration, le volume pulmonaire va considérablement diminuer, avec pour conséquence de diminuer la flottabilité. Dès la première plongée, notre plongeur va pouvoir enlever plusieurs kilogrammes de lest !
Par la suite, en affinant sa technique respiratoire, il continuera à enlever des plombs, jusqu’à parvenir à un lestage tout à fait raisonnable.
Vous avez du mal à le croire ? C’est simple, faites l’expérience suivante : gonflez un gros ballon, puis essayez de l’immerger : il vous faudra de nombreux kilos de plomb pour y parvenir. Puis dégonflez- le partiellement, il va couler. Pour retrouver sa flottabilité, il faudra enlever des plombs. C’est exactement le résultat auquel vous allez parvenir en favorisant l’expiration : les poumons vont être moins remplis et ils seront plus longtemps en expiration qu’en inspiration. Donc, moins de flottabilité. CQFD ! Vous verrez votre lestage diminuer et vous gagnerez en stabilité et en confort.
La stabilisation
Là, on attaque un plus gros morceau, mais qui en fin de compte, ne sera pas plus compliqué à maîtriser.
Nombreux sont les plongeurs qui abordent les exercices de stabilisation en pleine eau avec une certaine appréhension. La raison est qu’ils n’arrivent pas à comprendre à quel moment il faut arrêter de gonfler son gilet stabilisateur, de façon à rester au niveau désiré, sans aller s’écraser sur le fond et sans aller se cogner sous la coque du bateau… Et une fois qu’ils sont arrivés à un équilibre plus ou moins précaire, la moindre inspiration (ou expiration) vient tout remettre en question.
Là aussi, la respiration joue un rôle fondamental et rares sont les plongeurs qui en tiennent compte dans leurs manœuvres de stabilisation. Vous ne pouvez utiliser cette technique que si vous avez réussi à maîtriser la précédente, et donc si vous êtes avez obtenu un lestage raisonnable.
Voici la technique :
– Quand vous vous trouvez à la profondeur désirée, stabilisez- vous à l’aide de vos palmes, puis prenez une inspiration et tenez-la.
– Arrêtez de palmer et gonflez votre gilet au moyen de l’inflateur, tout en gardant votre inspiration. Ce faisant, surveillez les alentours et jetez un coup d’œil à la profondeur indiquée sur votre ordinateur de plongée, pour déterminer le moment précis où vous allez commencer à monter, sous l’effet du gonflage du gilet.
– Dès que vous constatez que vous commencez à monter lentement, arrêtez de gonfler le gilet. Puis soufflez. Vous allez sentir votre ascension s’arrêter, puis en fin d’expiration, une légère redescente. A ce moment, reprenez une demi-inspiration. Vous obtiendrez alors une stabilisation correcte. Lors de l’inspiration, vous aurez une légère tendance à monter ; lors de l’expiration au contraire, vous aurez une légère tendance à descendre. Si vous maîtrisez alors l’amplitude de votre respiration, c’est à dire si vous gardez une amplitude la plus proche possible de la normale, sans grande inspiration, vous resterez bien stable. Et le tour est joué !
La remontée
Gérer une remontée régulière, à vitesse contrôlée, sans faire le yo-yo et en restant capable de s’arrêter à tout moment sans redescendre, est souvent un casse-tête pour l’apprenti-plongeur. Pire : en observant bien, on se rend compte que bon nombre de plongeurs des niveaux supérieurs n’arrivent pas vraiment à effectuer une remontée contrôlée digne de ce nom, même s’ils camouflent leurs lacunes en se maintenant au mouillage du bateau ou au fil d’un parachute…
Là aussi, nous allons utiliser la même technique que pour la stabilisation :
– Tout d’abord, avant d’entamer la remontée, on commence par prendre une inspiration, puis on la tient.
– Ensuite, toujours en tenant son inspiration, on gonfle le gilet jusqu’à se sentir remonter lentement. Si le décollage est trop lent, on ajoute un petit peu d’air jusqu’à ce que la vitesse soit correcte.
– On tient toujours son inspiration. Le but est de créer avec ses poumons une flottabilité supplémentaire. Dès que la vitesse commence à accélérer, on relâche progressivement l’air des poumons, sans chercher à dégonfler le gilet ! En relâchant uniquement la respiration, la vitesse d’ascension diminue. Si l’on relâche trop d’air d’un coup, on risque de s’arrêter. Il suffit alors de reprendre une inspiration pour recommencer à monter.
Pourquoi agir de la sorte ? Car il est plus facile de gérer parfaitement la quantité d’air que l’on expire que l’air contenu dans le gilet : Quand on appuie sur le bouton, ça sort en quantité. Avec la bouche, on peut réduire à volonté.
– La remontée se poursuivant, on relâche progressivement l’air contenu dans les poumons pour contrôler la vitesse. Quand on veut ralentir, on souffle plus fort.
– Quand on n’a plus d’air dans les poumons, on va tenir alors brièvement l’expiration, le temps d’expulser un peu d’air du gilet par la purge lente. La vitesse de remontée va ralentir; il suffira alors de reprendre une inspiration pour retrouver la bonne vitesse.
– Et ainsi de suite, jusqu’à la surface. En lisant cette explication, cette technique paraît un peu compliquée, mais il n’en est rien. Pas de risque non plus de manquer d’air lors des phases de retenue de la respiration, ces phases ne durent en fait que quelques secondes, le temps de ralentir ou d’augmenter la vitesse.
Et souvenez-vous de la règle d’or de cette technique : on gonfle le gilet quand on a les poumons pleins, et on vide le gilet quand on a les poumons vides. Cela permet d’avoir le maximum d’efficacité. Si vous faites le contraire, les effets vont se contrarier et s’annuler : si vous videz de l’air du gilet alors que vous avez les poumons pleins, vous ralentissez ; dès que vous soufflez, vous stoppez et même vous risquez de redescendre… De même si vous gonflez le gilet avec les poumons vides, vous trouvez alors une bonne vitesse de remontée, mais dès que vous allez inspirer, vous allez augmenter considérablement votre flottabilité et vous n’allez plus pouvoir contrôler votre vitesse d’ascension.
Si ce problème se produit près de la surface, avec l’augmentation des variations de volume (loi de Mariotte), vous risquez fort de crever la surface, ce qui est du plus mauvais effet lors d’un examen, convenez-en…